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LIVRES D'ART

CATALOGUE DU MUSÉE D'AIX (Bouches-du-Rhône), dressé sous la direction du Conservateur, par Honoré Gibert. Aix, Makaire; 1862.

Le musée d'Aix ne doit rien aux libéralités officielles qui ont fondé les grands musées de Lille, de Lyon, de Bordeaux, de Marseille, etc. Des acquisitions bien faites, des dons, des legs, l'ont successivement formé il peut reconnaître pour fondateurs, à ces divers titres, le comte de Forbin, le président Fauris de Saint-Vincens, le peintre Clérian, l'illustre Granet, et MM. de Bourguignon de Fabregoulte et Frégier, de qui il vient d'hériter en dernier lieu. Le catalogue de M. Gibert, divisé en cinq catégories, peinture, sculpture, architecture, épigraphie et mélanges, compte en tout 890 numéros, y compris le legs-Granet qui se trouve classé à part selon la volonté du testateur. C'est un travail consciencieux, fruit de recherches savantes, le premier de ce genre dont le musée d'Aix ait été l'objet, et si quelques erreurs avaient pu s'y glisser, M. Gibert prend soin de s'en accuser d'avance en disant dans sa préface: « les catalogues de musées sont à refaire dès le jour qu'ils sont terminés. »>

L. L.

L'Académie des Beaux-Arts a jugé les concours des grands prix d'architecture, de sculpture et de gravure en taille-douce. Les prix obtenus sont, Pour la section d'architecture:

Premier grand prix, à M. François-Wilbrod Chabrol, de Paris, âgé de vingtsept ans, élève de M. Le Bas. - Premier second grand prix, à M. Emmanuel Brune, de Paris, âgé de vingt-six ans, élève de M. Questel.- Deuxième second grand prix, à M. Arthur-Fleury-Victor Dutert, de Douai (Nord), âgé de vingt-trois ans, élève de M. Le Bas;

Pour la section de sculpture :

Premier grand prix, à M. Ernest-Eugène Hiolle, de Paris, âgé de vingt-huit ans, élève de M. Jouffroy. Premier second grand prix, à M. Jules Fesquet, de Charleval (Bouches-du-Rhône), âgé de vingt-six ans, élève de M. Dantan aîné.- Deuxième second grand prix, à M. Jean-Baptiste-Gustave Deloye, de Sedan (Ardennes), âgé de vingt-quatre ans, élève de MM. Lemaire et Jouffroy;

Pour la section de gravure en taille-douce:

Premier grand prix, à M. Adolphe-Joseph Huot, de Paris, âgé de vingt-trois ans, élève de M. Henriquel. Second grand prix, à M. Jules-Ferdinand Carre, de Noyers (Yonne), âge de vingt-six ans, élève de MM. Lévy et Laemlein.

Quant au concours des grands prix de peinture, nous n'en donnons point aujourd'hui le résultat, l'exposition ayant été ouverte après le tirage de notre numéro.

- L'Imprimerie impériale achève en ce moment l'impression d'une édition illustrée des Évangiles. Ce livre sera, nous n'en doutons point, remarquable sous le rapport de la typographie; mais, quant aux gravures qui doivent orner le texte, elles suscitent par avance de vives réclamations. On sait que les compositions avaient été demandées à des artistes distingués; mais elles furent traduites sur le bois, pour la plus grande commodité des graveurs, par des copistes inexpérimentés, et M. Henri Lehmann nous prie dès aujourd'hui d'insérer cette lettre :

<< Monsieur le Directeur, j'ai recours à votre honorable journal pour prévenir tous ceux qui verront les Évangiles publiés par l'Imprimerie impériale, que, malgré mes conventions avec M. le chef du service des travaux, une seule des quatre gravures sur bois d'après mes dessins, celle du Saint Matthieu, a été mise sous mes yeux et corrigée par moi.

« Quant aux trois autres, je n'ai eu qu'hier la pénible surprise de les voir, et il m'est impossible de laisser croire que j'aie pu consentir à leur publication.

« Recevez, Monsieur, etc. »>

Il est au moins surprenant de voir l'Imprimerie impériale en agir aussi cavalièrement avec des artistes honorables, lorsqu'il s'agit d'une publication aussi peu attendue, et qui, dans le cas présent, doit surtout tirer son intérêt de la perfection de l'exécution, alors encore que deux maisons de premier ordre préparent, au su de tout le monde, une Bible illustrée : MM. Mame, avec le concours de M. Gustave Doré, et MM. Hachette, avec celui de M. Bida.

- M. His de La Salle, amateur bien connu par son amabilité rare et son goût, qui est des plus sûrs, vient de donner au Louvre un charmant bas-relief de Mino da Fiesole une Vierge tenant l'enfant Jésus. Ce don est d'autant plus précieux qu'il est jusqu'alors le seul spécimen que nous possédions d'un maître qui représente le mieux l'une des branches les plus intéressantes de l'art florentin au xve siècle.

Mais le grand événement du jour est le don que M. le duc de Luynes fait à la Bibliothèque impériale de tout ce qu'il possède en marbres, bronzes, vases, médailles, intailles et camées, c'est-à-dire de trésors inestimables par leur importance historique et leur beauté vraiment supérieure. Une salle spéciale, nous dit-on, sera consacrée à celte collection, et cela, sans que M. le duc, avec toute la délicatesse qui le caractérise, en ait fait une condition. On ne remarquera point sans intérêt, surtout en ce moment où les yeux commencent à s'ouvrir sur l'organisation de nos musées et les lois qui les régissent, que cet illustre amateur et savant distingué a jugé, en faisant entrer son cabinet à la Bibliothèque et non au Louvre, devoir faire largesse plutôt à l'État qu'à la Liste civile, pensant, non sans raison, qu'en tel lieu sa collection rendra plus de services aux savants et aux amateurs.

Le directeur : ÉDOUARD HOUSSAYE.

PARIS.

IMPRIMERIE DE J. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT,

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DE QUELQUES TRADITIONS DE L'ART FRANCAIS

A PROPOS

DU TABLEAU DE M. INGRES

JESUS AU MILIEU DES DOCTEURS

Il semble que, sans se détourner encore trèsrésolûment des produits d'un art décevant ou secondaire, l'opinion incline aujourd'hui vers des doctrines plus sûres, et tende à récompenser de plus nobles efforts. Les travaux de peinture monu-mentale, accueillis d'abord par beaucoup d'entre nous avec une sorte de résignation assez voisine de la froideur, partagent maintenant les priviléges que, pendant longtemps, les tableaux exposés au Salon avaient possédés à peu près seuls. D'autres œuvres réussissent à intéresser la curiosité publique, en apparaissant à leurs heures, soit dans les ateliers qui les ont vues naître, soit dans quelque succursale des expositions officielles, et le succès leur vient aussi bien par les sentiers détournés où elles l'appellent qu'il venait jadis en suivant l'unique route ouverte, le grand chemin connu de tous. Ce mouvement de l'opinion se rattache trop directement à certains faits anciens, il peut avoir sur la marche de l'art contemporain une influence trop heureuse pour qu'on n'essaye pas au moins d'en démêler les origines, et de discerner dans les résultats déjà obtenus ou promis un commencement de réforme et un progrès.

Le moment est bon d'ailleurs pour cette double recherche. L'histoire

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XIII.

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et les caractères, si longtemps méconnus ou dédaignés, de notre vieil art national, ne nous trouvent plus indifférents aujourd'hui. Des écrits, diversement instructifs, ont eu raison sur ce point de nos préjugés ou de notre ignorance. Depuis quelques années surtout, nous avons appris à être plus fiers de notre passé, à honorer comme il convient, chez les aïeux ou chez les descendants de Poussin et de Lesueur, ce ferme bon sens, ce goût pour les vérités morales qui, malgré des infidélités apparentes, est demeuré jusqu'au siècle où nous sommes la vertu intime et l'inspiration même de l'art français. D'un autre côté, la désillusion commence à nous venir en ce qui concerne certaines innovations acceptées d'abord comme des conquêtes de l'esprit libéral, mais dont la multiplicité même et les prétentions contradictoires dénoncent assez clairement le caractère anarchique. On cessera bientôt, on a cessé déjà d'être dupe ou complice des violences aussi bien que des subtilités pittoresques. Ces imitations menues ou brutales de la réalité opposées aux afféteries ou à l'archaïsme du style, ces tours d'adresse de l'outil en regard de je ne sais quel sentimentalisme pleurard se formulant tantôt en complaintes vulgaires, tantôt en élégies puériles, tous ces démentis aux vrais instincts de notre école et de notre goût sont bien près de ne plus abuser personne. On croit, et on a raison de croire, aux progrès accomplis depuis quelques années dans la peinture de genre et dans la peinture de paysage; pour ce qui est de la peinture d'un autre ordre et des récentes transformations qu'elle a subies, à notre confiance d'hier succède aujourd'hui le scepticisme. Peut-être l'ancienne foi nous reviendra-t-elle demain; peut-être la conversion qu'auront préparée déjà quelques œuvres d'élite, quelques grands travaux de peinture monumentale, se déterminera-t-elle en face. du nouveau tableau de M. Ingres, et sentirons-nous s'achever, avec notre admiration pour un maître, un juste mouvement d'attention aux traditions qu'il continue.

Où trouver en effet des enseignements plus formels sur la fonction de l'art, et particulièrement de l'art français? Rien de pédantesque pourtant, rien d'amer ni de morose dans cette leçon à notre adresse. En représentant Jésus au milieu des docteurs, l'illustre maître n'a voulu se souvenir que de la scène qu'il avait à peindre, comme s'il ne lui appartenait pas, en figurant cette douce victoire de la vérité sur les sophismes, d'en renouveler à son tour quelque chose par l'action personnelle qu'il exercerait sur nous. De là l'extrêmé sérénité des intentions et du faire, la certitude, la facilité du style, les marques en toutes choses d'une science sûre d'elle-même et d'un esprit fortement convaincu. Point de tâtonnements ni de demimesures; point de recherches minutieuses non plus, ni d'aperçus trop

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