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bord de la mer et parallèlement au rivage, une colline rocheuse de forme allongée, présentant à son extrémité du côté de l'est deux sommets séparés par une sorte de col un peu plus bas, et projetés dans le sens de l'intérieur des terres. C'est sur ces deux sommets qu'avait été bâtie au temps des Pélasges la ville d'Éleusis, et que dans la belle époque hellénique était posée la citadelle, assiégée plusieurs fois malgré le respect attaché à un lieu saint comme Éleusis, qui couvrait la frontière de l'Attique du côté de Mégare et du Péloponèse. L'enceinte de la citadelle a laissé assez de débris pour qu'avec un peu d'attention il soit possible d'en suivre tout le tracé, de forme irrégulière, qui épousait exactement les sinuosités de la colline. Sur la plupart des points où les assises inférieures en sont conservées, excepté sur la face du sud-est, la muraille se présente aux regards avec un appareil polygonal irrégulier, qui doit faire croire que l'on avait utilisé les remparts de la ville primitive pour la défense de la forteresse hellénique. Dans l'intérieur on ne voit, en fait de restes de monuments, que de nombreuses citernes antiques taillées dans le roc, les ruines d'une citadelle byzantine sur le sommet le plus oriental, et sur l'autre sommet le donjon à moitié renversé d'un château franc élevé au XIIIe siècle, sous les ducs d'Athènes de la maison de La Roche. Aucun édifice religieux ne semble avoir existé dans la forteresse d'Éleusis, à part un petit temple de Vénus que ne mentionne aucun auteur et dont l'emplacement, sur le col entre les deux sommets, est actuellement occupé par une chapelle dédiée à saint Nicolas. Une chapelle chrétienne indique toujours en Grèce le site d'un temple antique, et celle-ci repose sur une partie de rocher aplanie dans l'antiquité pour recevoir un édifice. Ce qui me fait croire à la consécration de cet endroit à Aphrodite est que pendant le temps de mes travaux un paysan, cherchant des pierres pour réparer sa maison dans un amas de décombres antiques contre le mur de la chapelle, y découvrit une figurine en marbre de travail grossier reproduisant le type si connu de la Vénus de Cnide, plusieurs colombes en terre cuite et le fragment d'un bas-relief votif représentant un jeune homme qui sacrifie une colombe, genre d'offrande qui ne se faisait qu'en l'honneur d'Aphrodite. Moi-même j'y ai ramassé à la surface du sol une tête en marbre de petite dimension, d'un travail charmant, mais malheureusement très-mutilée, retraçant les traits de la Vénus-Proserpine, objet des belles recherches de M. Gerhard.

Le penchant de la colline du côté de l'est, à mi-côte, était tout entier occupé par le grand temple de Cérès, ses dépendances et ses annexes, dont j'ai traité dans le paragraphe précédent assez longuement pour n'y plus revenir. Dans cette partie de son étendue, la citadelle était envelop

pée et protégée contre toute attaque par le péribole sacré qu'elle dominait, ainsi que Tite-Live le décrit avec la plus parfaite exactitude dans le xxxie livre de son Histoire, à l'occasion de la tentative d'escalade dirigée contre Éleusis par Philippe V, roi de Macédoine.

Quant à la ville elle-même, dont l'étendue réelle, déterminée par la ligne de ses remparts dont nous avons retrouvé les fondations, était trois fois plus vaste que ne l'avaient supposé les architectes anglais de la Société des Dilettanti, elle était située au pied de la hauteur. Un de ses quartiers occupait au sud l'intervalle entre la colline de l'Acropole et la mer. Elle se prolongeait ensuite en avant de la pointe orientale de la colline, et dans cette direction son enceinte extérieure passait à six cents mètres environ du pied du péribole sacré. Enfin l'espace qu'enfermait ladite muraille d'enceinte ne s'avançait vers l'intérieur de la plaine que jusqu'à deux cents mètres à peu près de la ligne de la colline, et, enveloppant de trois côtés le péribole de l'Anactoron, ainsi que la partie orientale de l'Acropole, revenait, au nord de la hauteur qui portait cette forteresse, dans la direction de la route de Mégare, jusqu'à quatre cents mètres de l'angle est du péribole extérieur, distance où le puits Anthion, avec ses portiques, se rencontrait immédiatement au sortir des portes.

Éleusis, comme Syracuse, Stratos d'Acarnanie et un certain nombre d'autres villes grecques, paraît avoir été divisée en deux parties, l'une au sud de l'Acropole, l'autre à l'est et au nord, séparées par une muraille fortifiée qui est déjà notée sur le plan des Dilettanti1, et qu'ils avaient prise pour l'enceinte extérieure de la cité.

Le temple de Triptolème et celui de Neptune se trouvaient dans la partie nord-est sur le bord de la rue qui, continuant la voie sacrée, menait de la porte, par laquelle on entrait en venant d'Athènes, aux Propylées de l'Anactoron. On distingue aussi, dans l'étendue de ce même quartier oriental, l'emplacement de trois ou quatre édifices importants, ornés de colonnes de marbre, dont sans des fouilles il est impossible de préciser la nature, et les ruines encore assez notables d'une grande construction romaine, thermes ou basilique, avec des pavements en mosaïque dont le plus considérable se trouve compris dans la cour de la maison du principal propriétaire de la commune, M. Hadjimélétis, ancien député. Quelques inscriptions ont été trouvées en cet endroit, et l'une de celles-ci, gravée sur un hermès de marbre pentélique, est encore conservée dans la cour de M. Hadjimélétis.

Dans le quartier méridional était le théâtre, dont une inscription m'a

4. Chap. 1, pl. II, fig. 4.

XIII.

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révélé l'emplacement, et dont on voit la forme clairement dessinée, avec quelques gradins taillés dans le rocher, sur le flanc de l'Acropole qui regarde la mer. Ce théâtre était fort grand et du même plan que le théâtre de Bacchus à Athènes. Des gradins supérieurs, les assistants avaient sur le golfe et sur l'île de Salamine une vue vraiment merveilleuse. Au pied du théâtre, allant du proscenium jusqu'au rivage, se trouvait le stade dans lequel on célébrait les jeux éleusiniens et dont on ne distingue plus à fleur du sol que le mur latéral de gauche. Théâtre et stade étaient ainsi à Éleusis dans la même position, l'un par rapport à l'autre, qu'à Ezani en Phrygie, où l'association de ces deux édifices est justement célèbre parmi les architectes.

Depuis l'endroit où le pied de la colline de l'Acropole baigne dans la mer jusqu'au port situé en ligne droite de l'angle méridional de l'enceinte sacrée, c'est-à-dire pendant une longueur de 450 mètres, le rivage était garni d'un quai en grands blocs réguliers de pierre calcaire, orné de portiques. Le port, vaste pour un port antique, et de forme circulaire, formé artificiellement par deux môles arrondis s'avançant à une certaine distance dans les flots, était divisé, comme la ville, en deux parties par un môle intérieur, à la naissance duquel venait aboutir la muraille qui séparait les deux quartiers. La jetée extérieure du côté de l'occident présente dans sa construction un détail remarquable et dénotant une grande habileté dans les ingénieurs antiques par qui il a été élevé. Pendant la durée de nos fouilles, l'aviso de la marine impériale le Héron vint mouiller pendant quelques jours devant Éleusis, et ses officiers admiraient beaucoup l'ingénieuse combinaison de ce môle. Parfaitement fermée et protégée contre tous les autres vents, la baie d'Éleusis est sujette à de violentes rafales de l'ouest, produites par le vent qui s'engouffre entre les monts Kerata et les hauteurs de Salamine. A la longue, l'effort des vagues soulevées par ces rafales pouvaient ébranler la jetée qui présentait le flanc à une mer venant de l'ouest. Pour obvier à ce danger, on n'avait pas donné au môle une masse absolument compacte, contre laquelle les lames auraient battu avec violence en faisant l'effet d'un bélier extraordinairement puissant. De distance en distance, l'ingénieur grec avait ménagé des canaux ouverts de part en part dans la maçonnerie de la jetée, où s'engouffrait par un gros temps une partie des eaux poussées par le vent d'ouest, et, la force de la lame se trouvant de cette façon brisée, il n'y avait plus rien à craindre pour la solidité de l'obstacle qui couvrait le port du côté le plus important à protéger.

Ce port d'Éleusis, dont les écrivains antiques ne disent pas un seul mot, faisait un certain commerce. J'ai trouvé à Zante, dans la collection

de M. le comte Candiano de Romas, une vingtaine de stèles funéraires enlevées des ruines d'Éleusis au temps du président Capo d'Istria. Elles prouvent que des négociants étrangers en assez grand nombre habitaient la cité de Déméter, où chaque année l'affluence des pèlerins de toutes les parties du monde hellénique, au moment de la fête des mystères, devait donner lieu à une sorte de foire.

Éleusis est dépourvue d'eau potable. Les puits du village ne fournissent qu'un liquide saumâtre et malsain, et, pour avoir de l'eau bonne à boire, les habitants sont contraints d'aller en chercher à près d'un kilomètre sur la route d'Athènes. Il ne reste plus aucune trace de la manière dont on remédiait à cet inconvénient dans les temps helléniques, mais on voit encore dans la plaine les arcades d'un long aqueduc, de construction romaine fort médiocre, qui amenait à la ville les eaux des sources du Parnès, voisines de Phylé, qui alimentent maintenant le torrent de la Ianoula. Une fois entré dans les murs d'Eleusis, cet aqueduc entretenait un château d'eau placé auprès du temple d'Artémis Propylæa, puis, longeant la face orientale du péribole du temple, venait se terminer aux environs du port, dans un réservoir de distribution dont les ruines sont assez bien conservées, et dont la disposition sera curieuse à comparer avec celle du réservoir des eaux de Nîmes, celui de tous les monuments antiques du même genre qui est parvenu jusqu'à nous le plus intact.

Quant à la nécropole, elle s'étendait assez loin sur les deux côtés de la route conduisant à Mégare.

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L'art italien n'offre pas une figure plus attachante et plus antipathique à la fois que celle d'Andrea del Sarto. Génie marqué d'un sceau fatal, dominé par une passion aveugle, tout en lui est mystérieux et énigmatique, pour ne pas dire équivoque. Le nommera-t-on un dessinateur ? Mais combien de fois a-t-il sacrifié la forme à un caprice! Le rangera-t-on parmi les coloristes? Ses tons ne marchent pas toujours d'accord, et leur gamme fondamentale appartient plutôt à la fantaisie qu'à la vérité. Qui expliquera pourquoi cet homme, qui n'a jamais su trouver une expression vraiment dévotieuse, n'a peint que des sujets sacrés ? Ce qui fait sa grandeur, c'est une distinction native, une individualité spontanée qui ne doit rien à l'école. Il a la puissance et la grâce, il a le tempérament, la science, le sentiment: il a le charme. Que lui a-t-il manqué? presque rien, l'élévation de l'âme. Voyez son portrait : c'est un homme qui n'a jamais osé regarder au ciel.

345. Étude pour la Madonna del Sacco. Elle est à la sanguine, exécutée par grandes hachures. Le saint Joseph se montre de face. A droite de la Vierge sont placées sainte Élisabeth et sainte Anne. Dans la fresque de l'Annunziata, le peintre a supprimé les figures accessoires, et, conservant seulement le saint Joseph, il a réduit sa composition à la donnée la plus simple. Le dessin a déjà le caractère de grandeur qui fait la beauté de la fresque.

316. Pietà, à la pierre noire.

317. Étude de draperie à la sanguine

318. Tête de femme inclinée, à la sanguine, étude pour la Madeleine de la Deposition de Croix que l'on voit au palais Pitti. Andrea s'est plu à y reproduire une

1. Voir la livraison du 1er juin.

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