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naies de cette ville de plusieurs styles, et de la comparaison de ces types monétaires avec les peintures de certains vases, on arrive à déterminer l'âge de ces monuments. La destruction de la ville de Veies, en 390 avant notre ère, donne des dates positives pour les monuments tirés des tombeaux de cette ville. La coupe sur laquelle figure le roi Arcésilas', qui régnait dans la Cyrénaïque vers la quatre-vingtième olympiade, fournit la date de 458 avant Jésus-Christ. Cette précieuse et célèbre coupe est conservée au Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale.

La présence ou l'absence de certaines lettres dans les inscriptions peut encore fournir des indications. Ainsi on a la date de l'archontat d'Euclide (olympiade 94, 2, 403 ans avant Jésus-Christ) par l'admission de l'alphabet ionien avec les lettres longues H et N.

L'arrivée de la colonie du Corinthien Démarate en Étrurie, vers l'an 655 (olympiade 31, 2), est encore une date qui peut servir à déterminer l'âge de peintures très-anciennes.

Plus tard, quand sur des vases du beau style on voit apparaître des têtes dessinées, soit de face, soit des trois quarts, on se reporte encore une fois aux médailles où les têtes de face ne paraissent que vers l'an 369 avant notre ère. Ce sont les médailles d'Alexandre, tyran de Pheræ, qui montrent pour la première fois ces têtes, répétées depuis sur les monnaies de Syracuse, de Crotone, de Rhodes, de Clazomène, etc., mais abandonnées bientôt après.

Avec ce que j'ai dit plus haut des amphores panathénaïques portant des noms d'archontes éponymes d'Athènes, on voit que les points de comparaison qui servent à fixer des dates ne manquent pas. Quoique ces dates soient rigoureusement exactes, il reste cependant encore bien des problèmes indécis, car évidemment, aux époques les plus florissantes de l'art, on a cherché à imiter des peintures plus anciennes, et les Grecs ont eu un goût très-prononcé pour l'archaisme. Dès lors (et ceci n'est pas toujours facile), il s'agit de distinguer les peintures qui remontent aux époques primitives de l'art de celles qui ont été produites plus tard sous l'influence de ces idées d'imitation. C'est à une certaine habileté dans le tracé des contours, à la disposition étudiée des groupes, quelquefois aussi à l'exagération des défauts et des inexactitudes dans le dessin qu'on reconnaîtra les ouvrages d'imitation des vases réellement fabriqués aux époques les plus reculées. Le secours des inscriptions est aussi un moyen pour arriver à discerner les œuvres d'imitation de celles qui les ont pré

4. Mon. inéd. de l'Institut archéologique, t. I, pl. XLVII, A.-Cat. Durand, no 422. 2. Duc de Luynes, Annales de l'Institut archéologique, t. XIII, p. 458.

XIII.

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cédées, ainsi que la qualité de la terre qu'on a employée et le degré de cuisson auquel le vase a été soumis.

VII

Les formes des vases sont très-variées; il y en a de simples et de compliquées. On connaît à peu près une centaine de formes principales. Je ne parle pas ici des variétés de chaque espèce de vases; il y a des différences dans l'espèce amphore, dans l'espèce cratère, comme dans les formes anochoé, canthare, aryballe, scyphus, cotyle, etc., etc. Ces différences, ou nuances de forme, se remarquent dans le galbe, dans les anses, dans le pied, dans l'embouchure du vase, etc. Je ne parle pas non plus des rhytons, des vases en forme de tête, soit simple, soit double, des mille et une fantaisies que l'imagination des artistes produisait: vases en forme de figures d'hommes ou d'animaux, quadrupèdes, oiseaux, poissons, masques, figures grotesques, jambes, pieds, etc., etc. Ces sortes de vases, où les reliefs et la plastique sont combinés avec les couleurs, forment une classe à part.

Il y a des vases de plus d'un mètre et d'un mètre et demi de hauteur, comme il y en a qui n'ont que quatre ou cinq centimètres. Il y en a sans anses, comme également on en a à une, à deux, à trois, et même à un plus grand nombre d'anses. Les dessins et les peintures sont tracés sur le corps même du vase, quelquefois sur le col et sur le pied, ainsi que sur les anses; d'autres fois, mais rarement, le vase est entièrement noir, et il n'y a qu'une frise peinte et enrichie de sujets qui règne autour du col; les anses sont alors décorées de bordures de lierre et de palmettes. Les coupes soit plates, soit élevées sur un pied, ont en général une forme élégante; ordinairement elles sont enrichies de sujets peints à l'extérieur comme à l'intérieur; cependant, cette règle souffre des exceptions, et on possède des coupes n'ayant qu'un médaillon placé à l'intérieur, tandis que l'extérieur est noir; il y a peu d'exemples de coupes n'ayant des peintures qu'à l'extérieur.

VIII

La poterie la plus grossière, les vases noirs, quelques vases peints, ont pu servir aux usages domestiques, mais le plus grand nombre ne

semblent avoir pu être destinés qu'à la décoration, soit des temples, soit des demeures particulières. Ce qui est hors de doute, c'est qu'on les trouve aujourd'hui dans les tombeaux, c'est que quelques-uns, mais en petit nombre, ont servi à renfermer la cendre des morts. Tel est un vase bien simple, à couverte noire, orné d'une guirlande de laurier, conservé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale. Ce vase, découvert dans un tombeau des environs d'Athènes par Fauvel, passe, avec toute sorte de probabilité, pour contenir les cendres de Cimon, fils de Miltiade. La plupart des vases décorent les chambres sépulcrales; ils sont placés le long des murs et autour du mort étendu sur le lit funèbre, entre ses jambes, et souvent accrochés aux parois par des clous de bronze. Le nombre et la beauté des vases répondent au rang du personnage dont ils ornent la sépulture.

Plusieurs vases peuvent avoir été faits pour des destinations déterminées. De ce nombre sont les amphores panathénaiques dont j'ai déjà parlé, et dont la destination est indiquée par l'inscription bien connue : TON AOENE EN AOAON, le prix donné à Athènes. Ces vases ornés de peintures (aproxías), selon l'expression de Pindare1, et remplis d'huile, produit des oliviers sacrés de Minerve, étaient décernés aux vainqueurs dans les fêtes nommées Panathénées2.

D'autres vases étaient offerts en cadeau ; il existe toute une classe de vases auxquels, à cause des sujets dont ils sont décorés, on ne saurait refuser la destination de cadeaux de noces.

Ce qui prouve une fois de plus que la plupart des vases peints servaient uniquement de décoration, c'est qu'on en possède d'une dimension considérable qui, par leur poids et leur forme, devaient rester à la même place; d'autres n'ont même pas de fond, ils sont perforés d'un bout à l'autre, et par conséquent ne pouvaient rien contenir.

IX

Les peintures qui décorent les vases représentent presque toutes des scènes mythologiques empruntées aux croyances religieuses des Grecs. On y voit toutes les divinités de l'Olympe. Les sujets bachiques sont les plus nombreux; puis viennent les travaux d'Hercule; les scènes de la guerre de Troie forment aussi une série très-considérable. Les faits his

4. Nem., x, 64.

2. Schol. ad Aristophan. Nub., 1005.

toriques proprement dits sont jusqu'à ce jour en bien petit nombre. Les cérémonies religieuses sont quelquefois figurées sur les vases; on y voit fréquemment les exercices du gymnase, des scènes de repas, des combats, ainsi que des sujets nuptiaux; la danse, la musique, le bain, l'armement des guerriers, la toilette des femmes, la chasse, la pêche, des

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jeux, paraissent sur les vases. Il y a aussi quelques compositions empruntées aux pièces de théâtre. Mais en général les scènes de la vie civile ne forment qu'une série relativement peu nombreuse quand on la compare à celle des sujets mythologiques. Souvent même c'est faute d'en saisir le véritable sens qu'on écarte ces sortes de sujets de la série des représentations religieuses et mythologiques.

Quant aux sujets funèbres, à quelques rares exceptions près, tous appartiennent à la dernière période de l'art de peindre les vases. Il en est de même des nombreux vases à sujets mystiques, série si peu intéressante pour les études archéologiques et dont jusqu'à ce jour la science pu tirer rien de satisfaisant. Les tombeaux de la Grande-Grèce ont fourni un nombre considérable de ces vases.

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X

Les inscriptions tracées dans le champ des peintures offrent le plus grand intérêt sous le rapport de l'épigraphie. La plupart du temps, ces inscriptions sont écrites avec négligence: elles sont peintes en violet ou en blanc, ou bien gravées en creux (graffiti) à la pointe. Le plus grand nombre de ces inscriptions sont des noms de personnages mythologiques; on a aussi quelques noms historiques comme ceux des rois Crésus1, Darius2, Arcésilas3, des poëtes Alcée, Sapho, Anacréon, Musée, Linus1; des sentences, des acclamations, des dialogues, des alphabets, des noms de simples particuliers, des noms d'artistes, peintres ou fabricants de vases, etc. On connaît aujourd'hui de soixante-dix à quatre-vingts noms d'artistes. Quant aux inscriptions en langue et en caractères étrusques, elles sont rares; on ne les trouve que sur des vases de travail véritablement étrusque, fabriqués à l'époque de la décadence de l'art en Étrurie. Les Étrusques ont imité les vases peints d'origine et de travail grec, et telle était l'influence qu'exerçait l'hellénisme dans les temps anciens, qu'à quelques exceptions près la plupart du temps les sujets traités par les Étrusques sont empruntés aux fables et aux traditions religieuses des Grecs, et surtout aux épisodes de la guerre de Troie. On rencontre pourtant des inscriptions étrusques gravées à la pointe (graffiti) sur des vases de travail grec, et sortis des fabriques de la Grande-Grèce. Mais ce sont évidemment des inscriptions ajoutées après coup, quand les vases étaient livrés au commerce.

(La suite prochainement.)

J. DE WITTE.

1. Au Musée du Louvre. Mon. ined. de l'Institut arch., t. 1, pl. LIV et LV. Cf. Cat. Durand, no 424.

2. Au Musée de Naples. Gerhard, Arch. Zeitung, 1857, pl. CIII.

3. Au Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale. Mon. inéd. de l'Inst. arch., t. I, pl. XLVII, A. Cf. Cat. Durand, no 422.

4. Le vase représentant Alcée et Sapho est au Musée de Vienne. Millingen, Ancient unedited monuments, pl. XXXIII. La coupe sur laquelle on lit le nom d'Anacréon est au Musée Britannique. Cat. Durand, n° 428. La coupe sur laquelle on lit les

noms de Musée et de Linus fait partie de la collection de vases du Musée Napoléon III, Annales de l'Institut archéologique, 1856, pl. XX.

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