Page images
PDF
EPUB

fouleurs, vrais coureurs et danseurs de montagnes, suivants légers et alertes du dieu de la vendange. Il y a dans cet ouvrage une élégance qu'on peut appeler attique.

Le bas-relief dont nous donnons la gravure fait pendant avec celui-là. Ici, c'est une vraie bacchanale. Une musicienne, aux reins fortement

[graphic][ocr errors][merged small][merged small]

cambrés, presque entièrement nue, grâce au mouvement qui fait flotter autour d'elle sa draperie en découvrant ses charmes, danse en jouant de la double flûte, la tête renversée en arrière, dans une pose violente et lascive. Un Bacchant également nu, sur l'épaule duquel flotte une peau de bête, danse aussi, la tête et les reins renversés, en agitant son thyrse; un Faune dans la même attitude frappe sur un tympanum. Une panthère court derrière eux. Ailleurs, on voit un jeune Bacchus appuyé sur un Faune qui tient un flambeau renversé. Le dieu donne à boire à une panthère, animal qui passait pour très-friand de vin. Une Bacchante entièrement vêtue est de l'autre côté, portant un thyrse orné de bandelettes. Sur une autre terre cuite, Silène est représenté embras

sant Cupidon, tandis qu'une Bacchante joue du tambourin'. Dans toutes ces terres cuites, et même dans les plus imparfaites, de même que dans les peintures de Pompéi, on admire le profond sentiment de l'art et de la décoration qui partout a guidé et comme inspiré la main de l'artiste, soit dans la pose et le mouvement des figures, soit dans les plis des vêtements collés ou flottants. Dans le bas-relief de Silène et Cupidon, la Bacchante musicienne a un mouvement de corps superbe, qu'accompagne avec autant de grâce que de justesse le jeu des draperies.

Voici maintenant le triomphe. Le dieu Bacchus et son amante, Ariane, sont assis sur un char traîné par des panthères en avant desquelles marche un Faune. Un Satyre capripède est assis sur le devant du char, servant de conducteur; près de lui est posée sa syrinx ou flûte à plusieurs tuyaux, dite flûte.de Pan. Des festons de guirlandes, mêlés de grappes de raisin (serta, escarpa) pendent sur le cortège en décoration joyeuse, et des feuilles de vigne forment un ornement très-gracieux au bord supérieur du bas-relief (no 40). Un bas-relief qui représente le triomphe d'Ariane porte le mot: Vales (Valesius?), nom qui se retrouve sur d'autres bas-reliefs de la même suite. On a aussi un Triomphe bachique d'llercule, où le vainqueur des géants et des monstres est représenté traîné sur un char, à la façon de l'efféminé Bacchus, et entouré de la pompe qui, d'ordinaire, accompagne le dieu des vendanges.

VII

Vénus figure avec Mars sur un antéfixe de la collection. On la retrouve, comme déesse marine, avec Amphitrite, sur un bas-relief dont le Musée Britannique ne possède qu'une moitié, celle-là même où Vénus est représentée assise sur un hippocampe avec un petit Cupidon nageant auprès d'elle, tandis qu'un autre s'envole dans les airs. De ce dernier, les jambes seules et un bout d'ailes paraissent dans le bas-relief de Londres; dans celui de la collection Campana, il tient un parasol dont il paraît vouloir abriter la tête d'Amphitrite, qui semble venir ici audevant de Vénus, assise comme elle sur un cheval marin. On sait que le skiadion était dans l'antiquité, comme de nos jours en Orient, une

4. Ces deux dernières terres cuites, de même que plusieurs des précédentes, se retrouvent au Musée Britannique.

marque de dignité; on le portait, à Athènes, dans les processions religieuses, sur la tête des femmes de citoyens 1.

La tête d'un dieu marin, Glaucus, semble avoir fourni aux artistes de fréquents motifs d'ornementation. M. Vinet, si versé dans l'archéologie et la mythologie grecques, qui a fourni de précieux éclaircissements à la traduction de Creuzer par M. Guigniaut, a décrit et expliqué une curieuse terre cuite du Musée Britannique, où l'amant malheureux de Scylla paraît ètre en butte aux mauvais traitements des Amours qui tournent autour de lui, montés sur des dauphins, et dont l'un lui tire les cheveux, tandis qu'un autre semble lever la main pour lui appliquer un soufflet. Glaucus est représenté par un masque orné d'une barbe de feuillage, et dont « le regard fixe, les sourcils contractés, semblent indiquer la tristesse et la souffrance.» Le masque se retrouve au musée Campana, mais les Amours sont ici plus respectueux pour l'infortune du dieu marin; ils se contentent de faire nager autour de lui les dauphins qui leur servent de monture et qu'ils pressent à coups de fouet. N'est-ce pas assez, pour l'amant que sa divinité ne console pas, de voir autour de lui les jeux de ces espiègles qui lui rappellent son infortune? Il y a aussi une représentation de Scylla avec un torse de femme et des chiens aboyants sortant de sa partie inférieure (no 199). N'oublions pas une Sirène aux pieds et aux ailes d'oiseau (n° 59). Il y a plusieurs traditions sur les ailes des Sirènes; suivant une version, elles les avaient reçues des dieux pour voler à la recherche de Proserpine; elles les perdirent ensuite par punition divine, après avoir été vaincues dans leur lutte contre les Muses.

Parmi les autres bas-reliefs qui représentent des sujets divers, je citerai une curieuse terre cuite de style archaïque, qu'on voit dans une des vitrines et qui représente Actéon dévoré par ses chiens. Un bas-relief, dont le sujet se retrouve sur une peinture antique de Pompéi, nous montre la déesse romaine Pudicitia se détournant d'une femme qui lui apporte en offrande un phallus mêlé à des figues. La figue et le phallus étaient souvent associés comme amulettes par la superstition romaine. Il y a aussi des bas-reliefs qui représentent des scènes tragiques ou comiques; d'autres où sont figurés les jeux du cirque et de l'amphithéâtre. Par exemple, on voit sur une terre cuite la borne autour de laquelle tournaient les chars (meta fervidis evitata rotis), formée de trois

1. On le retrouve deux fois au Palais de l'Industrie: 4° sur une peinture antique de la collection Campana, no 48, dans le salon carré; 2o sur une stèle funéraire, no 31, dans la salle consacrée à la mission de Macédoine et de Thessalie.

2. Mémoire sur Glaucus et Scylla, inséré dans les Annales archéologiques de Rome, 1844.

pyramides placées à côté l'une de l'autre sur un piédestal commun. Un quadrige est en train de la tourner; son conducteur est revêtu de l'habit dont parle Suétone, quadrigario habitu 1; les rênes sont roulées autour de son corps et rassemblées ensuite dans sa main gauche, tandis que, de la droite armée d'un fouet, il excite les chevaux. Cette terre cuite est signée Anniæ Arescusa. Sur une autre, on voit l'amphithéâtre avec la colonne, la loge impériale, les animaux qu'on lâche, et le combattant qui s'avance dans l'arène.

[graphic][merged small][merged small][merged small]

Deux ou trois bas-reliefs, qui représentent des sujets égyptiens traités par des artistes romains, doivent être de l'époque d'Adrien, où l'on bâtit à Rome des temples à la manière égyptienne. On y voit des combats de Grues et de Pygmées, sujet qui se retrouve dans les peintures de Pompéi, des hommes dévorés par des crocodiles, des crocodiles qui se balancent sur des lotus, des hippopotames et d'autres représentations plus ou moins bizarres ou fantastiques. Une terre cuite qui existe aussi au Musée Britannique a été expliquée par M. Combe comme représentant une scène

4. Caligula.

2. Décrite par M. Combe.

XIII.

22

du triomphe de Trajan après la victoire sur les Daces. Des captifs sont traînés sur un char avec des chaînes au cou et aux pieds, dont le bout est tenu par des gardiens qui marchent à côté d'eux. Le char est ouvert de tous côtés, sans doute afin de mieux laisser voir les prisonniers; l'un d'eux, dit M. Combe, paraît abattu, tandis que l'autre semble faire appel au peuple, afin d'exciter sa compassion.

Une série nombreuse de bas-reliefs se compose d'arabesques, mêlées de masques ou de figures, dans un style décoratif. Dans quelques-uns, l'Amour ou un Génie ailé est représenté cueillant des fleurs; dans d'autres, c'est une figure de femme, peut-être Proserpine, la vierge des campagnes d'Enna, dont la mythologie avait fait la déesse de la végétation. On ne saurait trop admirer l'art qui a présidé à ces compositions, où la figure humaine s'allie à des formes animales ou végétales, et qui a su trouver les lois secrètes auxquelles devaient se conformer ces produits de la fantaisie. Il y a aussi de simples ornements en relief, semblables à celui dont nous donnons la gravure. L'effet de ces ornements résulte de leur simplicité unie à la richesse, et du degré de saillie que leur a donné l'artiste on y voit des traces d'une polychromic qui a dû en augmenter encore le relief et l'éclat.

par

Un bas-relief, dont le pareil existe incomplet à Londres, nous offre les têtes de Jupiter et de Minerve, tournées l'une vers l'autre, d'un côté, et de l'autre côté Junon et Mars, également opposés. Ailleurs on a des têtes de Silène, de Neptune. Cérès est représentée à mi-corps, tenant des épis dans chaque main. Ailleurs encore, ce sont des édifices représentés, soit à l'extérieur, soit à l'intérieur. Ici un temple, là un arc de triomphe apparaissent; à côté, c'est un sanctuaire au milieu duquel s'élève la statue du dieu; de chaque côté, séparés de la statue et séparés entre eux des colonnes, on voit des vases et des hermès; des boucliers sont suspendus au-dessus des vases. Parmi les anciens monuments qui sans doute sont représentés sur les terres cuites de la collection, on doit peutêtre reconnaître le Capitole, aux trois portes qui indiquent ses trois enceintes, à ses colonnes corinthiennes, au quadrige qui orne le sommet du fronton, ainsi qu'à quelques autres détails. On sait que ce temple fameux fut reconstruit trois fois : la première fois, par Sylla; la seconde, par Vespasien, et la troisième, par Domitien; mais le plan primitif fut toujours respecté; l'ordre corinthien datait de Sylla, qui avait fait apporter d'Athènes des colonnes du temple de Jupiter Olympien. La figure de Jupiter paraît ici au centre du fronton, avec l'aigle à ses pieds. L'enceinte du

4. Description of the ancient terracotas in the British Museum,

p. 61.

« PreviousContinue »