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Dieu social qui doit se révéler peu à peu dans notre liberté même. Mais s'il est un moment où le premier disparaît et s'efface, ou l'autre tarde à paraître, un moment où les hommes croient, comme Werner, voir sur l'autel le Christ en pleurs avouer lui-même qu'il n'y a point de Dieu, dans quelle agonie de désespoir tombera ce monde orphelin? Demandez à l'infortuné Byron.

Comment du fond de cet abîme allons-nous remonter vers Dieu ?

L'humanité, nous l'avons dit, procède éternellement de la décomposition à la composition, de l'analyse à la synthèse. Dans l'analyse, tous les rapports disparaissent, tous les liens se brisent, l'unité sociale et divine devient insensible. Mais peu à peu les rapports reparaissent dans la science et dans la société, l'unité revient dans la cité, dans la nature. Ce monde, naguère en poudre, se reconstitue et refleurit d'une création nouvelle où l'homme reconnaît, plus belle et plus pure, l'image de l'ordre divin. Aujourd'hui la science

en est à l'analyse, à la minutieuse observation des détails; c'est par là seulement que son œuvre peut commencer. La société achève un laid et sale ouvrage de démolition : elle déblaie le sol encombré des débris du monde fatal qui s'est écroulé. Ce travail nous paraît long sans doute. Voilà bientôt quarante ans qu'il a commencé. Hélas! c'est plus d'une vie d'homme. Mais c'est peu dans la vie d'une nation. Tranquillisonsnous donc, et prenons courage; l'ordre reviendra tôt ou tard, au moins sur nos tombeaux.

L'unité, et cette fois la libre unité, reparaissant dans le monde social; la science ayant, par l'observation des détails, acquis un fondement légitime pour élever son majestueux et et harmonique édifice, l'humanité reconnaîtra l'accord du double monde, naturel et civil, dans l'intelligence bienveillante qui en a fait le lien. Mais c'est surtout par le sens social qu'elle reviendra à l'idée de l'ordre universel. L'ordre une fois senti dans la société limitée de la patrie, la même idée s'étendra à la société humaine, à la république du monde.

L'Athénien disait: Salut, cité de Cécrops? Et toi, ne diras-tu pas: Salut, citéde la providence!

Le christianisme a constitué l'homme moral; il a posé dans l'égalité devant Dieu un principe qui devait plus tard trouver dans le monde civil une application féconde. Cependant les circonstances qui entourèrent son berceau, l'ont rendu moins favorable à l'action commune, à la vie sociale, qu'à la contemplation inactive et solitaire. Lorsqu'il parút, Dieu était encore captif dans le matérialisme et la sensualité payenne; l'homme était emprisonné dans l'étroite enceinte de la cité antique. Le christianisme délivra l'homme en brisant la cité, affranchit Dieu en brisant les idoles. A ce moment unique, l'homme, entrevoyant pour la première fois sa patrie divine, languit pour elle d'un incurable amour, croisa les bras et les yeux vers le ciel, attendit le moment de s'y élancer. Quand sera-ce, grand Dieu ?... Ouvrier impatient et paresseux, qui vous asseyez et réclamez votre salaire avant le soir, vous demandez le ciel, mais qu'avez-vous fait de la

terre que Dieu vous a confiée? Suffit-il pour dompter la matière de briser des images, de jeûner, de fuir au désert? Vous devez lutter et non fuir, la regarder en face cette nature ennemie, la connaître, la subjuguer par l'art, en user pour la mépriser. Vous avez dissous la cité antique, la cité étroite et envieuse qui repoussait l'humanité, et, des ruines de cette Babel, vous vous êtes dispersés par le monde. Vous voilà divisés en royaumes, en monarchies, parlant vingt langues diverses. Que devient la cité universelle et divine, dont la charité chrétienne vous avait donné le pressentiment, et que vous aviez promis de réaliser ici-bas?

Si le sens social doit nous ramener à la religion, l'organe de cette révélation nouvelle, l'interprète entre Dieu et l'homme, doit être le peuple social entre tous. Le monde moral eut son Verbe dans le christianisme, fils de la Judée et de la Grèce; la France expliquera le Verbe du monde social que nous voyons.

commencer.

C'est aux points de contact des races, dans la collision de leurs fatalités opposées, dans la soudaine explosion de l'intelligence et de la liberté, que jaillit de l'humanité cet éclair cé leste qu'on appelle le Verbe, la parole, la révélation. Ainsi, quand la Judée eut entrevu l'Égypte, la Chaldée et la Phénicie, au point du plus parfait mélange des races orientales l'éclair brilla sur le Sinaï, et il en resta la pure et sainte unité. Quand l'unité juive se fut fécondée du génie de la Perse et de l'Égypte grecque, l'unité s'épanouit, et elle embrassa le monde dans l'égalité de la charité divine. La Grèce μutoróxos, mère du mythe et de parole, expliqua la bonne nouvelle; il ne fallut pas moins que la merveilleuse puissance analytique de la langue d'Aristote pour dire aux nations le verbe du muet Orient, vol 7Zelo i

la

Au point du plus parfait mélange des races européennes, sous la forme de l'égalité dans la liberté, éclate le verbe social. Sa révélation est successive; sa beauté n'est ni dans un temps ni dans un lieu. Il n'a pu présenter la ravis

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