Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

sur l'artiste, devient l'objet des investigations de l'auteur, qui nous donne une vie détaillée de Giovanni Santi, avec la liste de ses œuvres et son intéressante Chronique rimée, la biographie du Pérugin et la liste complète de ses œuvres, des détails précieux sur tous les maîtres de l'école de l'Ombrie, des recherches sur les artistes qui furent successivement occupés par les ducs d'Urbin et dont les productions durent frapper les yeux de Raphaël enfant et adolescent, enfin l'histoire des élèves du grand maître.

-

Le second volume place sous nos yeux le catalogue complet, par ordre chronologique, des peintures de Raphaël; les principales copies et les reproductions par la gravure, de chacune de ces peintures; les principaux tableaux attribués à Raphaël (et Dieu sait si le nombre en est petit!); le catalogue des dessins de Raphaël; le catalogue des estampes anciennes gravées d'après les dessins du maître; enfin plusieurs appendices et des tables copieuses. En un mot, le livre de Passavant épuise la matière. Aussi fut-il, dès son apparition, salué comme un événement par l'Allemagne artiste; mais il avait le grave défaut, pour le reste du monde, d'être écrit dans une langue que peu d'étrangers parviennent à comprendre. Une traduction française fut donc vivement désirée, et l'auteur finit par se rendre au vœu universel, en se chargeant lui-même de ce travail, qui offrait des difficultés de plus d'une nature.

Ce ne fut que vingt ans après la publication de l'édition originale, augmentée depuis (en 1858) d'un troisième volume, dans lequel l'auteur consigne tous les nouveaux faits venus à sa connaissance depuis 1839, ce ne fut que par des efforts réunis, par l'initiative et le louable désintéressement d'une grande maison de librairie, et avec le concours du Bibliophile Jacob, que l'édition française du beau livre de M. Passavant put enfin voir le jour, sous une forme nouvelle, corrigée et considérablement augmentée. Après un si laborieux enfantement, ce fut une grande satisfaction pour le vieillard de tenir enfin entre les mains ces deux gros volumes avec leurs 1,200 pages, dont pas une peut-être qui ne lui rappelât dans le passé quelque hésitation, quelque difficulté à vaincre, voire même quelque soupir ou quelque mouvement d'impatience, car il était minutieux comme tout homme qui a un idéal

de perfection dans l'esprit, et il tenait à reconnaître son enfant, même en costume étranger.

Avertie par le bruit qui s'éleva aussitôt après l'apparition du « Raphaël Santi et son père, » la ville natale du savant critique commença à ouvrir les yeux sur son mérite, et les administrateurs de l'Institut de Städel appelèrent, en octobre 1840, leur célèbre concitoyen au poste d'inspecteur (conservateur) de la collection de tableaux, dessins et estampes attachée à cet établissement. Il était impossible de faire un meilleur choix, et M. Passavant le prouva en remplissant les devoirs de sa charge, qu'il conserva jusqu'à la fin de sa vie, non-seulement avec la conscience de l'honnête homme, mais avec dévouement et amour. Grâce à son intelligente initiative, de bonnes occasions furent saisies par l'administration de l'Institut, et quelques œuvres importantes, tableaux aussi bien que dessins, furent acquises aux ventes des collections Fesch (1843) et Guillaume II des Pays-Bas (1850), outre un grand nombre d'acquisitions isolées. Sans famille, et pour ainsi dire sans attachement, M. Passavant s'était, dès le principe, identifié avec l'Institut, auquel il avait fait don de quelques objets d'art intéressants qu'il possédait, et auquel, à sa mort, il légua sa riche collection de livres d'art, etc.

Toutes ses pensées appartenaient aux Beaux-Arts, surtout à l'art élevé, au style sévère; sa passion, son unique passion peut-être, était d'avancer ses propres connaissances et de répandre autour de lui le goût et l'intelligence du beau. Dans la saison des longues soirées, une ou deux fois par semaine, il réunissait dans une salle de l'Institut Städel, les amateurs de Francfort et les artistes désireux de s'instruire on apportait quelques portefeuilles de dessins ou d'estampes, dont le contenu passait de main en main et fournissait matière à discussion. Quel bonheur si pareil usage pouvait s'introduire là où les portefeuilles sont vingt fois plus riches!

Ne connaissant d'autre distraction que l'étude, M. Passavant trouvait amplement le temps de continuer ses recherches sur Raphaël, sur les anciennes écoles d'Italie, sur les maîtres primitifs des Flandres, dont il fit également une étude spéciale. Aussi contribua-t-il largement, et pendant trente ans au moins, aux

différentes publications artistiques de l'Allemagne, telles que le Kunstblatt de Schorn, le Deutsche Kunstblatt de Eggers, les Archives de Francfort, les Archives de Naumann, etc.

[ocr errors]

Au printemps de 1852, il avait alors soixante-cinq ans, i entreprit un voyage en Espagne; il ne voulait pas, disait-il, mourir sans avoir revu le Spasimo, la Vierge au poisson, et les autres Saintes-Familles de Raphaël, qu'il avait autrefois admirés à Paris. Accompagné de son ami Steinla, le célèbre graveur, il visita Barcelone, Valence, Cartagène, Malaga, Grenade, Madrid, Séville, Cordoue, Cadix, Tolède, Salamanque, Valadolid, Burgos, et, de retour de son voyage, il passa le mois d'octobre de la même année à Paris. Il y fit la rencontre de notre ami G. B. Cavalcaselle, le plus fureteur, le plus intrépide, le plus passionné de tous les affamés de peinture que nous ayons connus. Lui aussi venait de parcourir l'Espagne d'un bout à l'autre, mais presque à pied, et s'arrêtant au besoin trois jours dans un village pour voir un tableau. Ses cahiers regorgeaient de croquis et de notes qu'il ne fit aucune difficulté de montrer à M. Passavant, dans une séance qui dura huit heures, et où la mesure n'était pas égale entre le donnant et le recevant. M. Passavant publia le résultat de son voyage dans un petit volume intitulé: L'Art chrétien en Espagne. Leipzig, 1853; et il trouva moyen de résumer en cent quatrevingts pages un abrégé lucide et substantiel de la marche que suivirent les arts du dessin dans la Péninsule ibérique, en y joignant un compte-rendu du musée de Madrid, critique qui, dans ses détails, il est vrai, laisse bien à désirer.

Les dernières années de sa vie, l'infatigable travailleur s'éprit d'une belle passion pour les estampes anciennes et pour l'histoire de l'origine de la gravure, et, comme si le repos lui pesait, il proposa à son ami R. Weigel, la publication d'un ouvrage qui complèterait les recherches de Duchesne aîné, de Bartsch et d'autres iconographes. Destiné à embrasser six tomes, le « Peintre-Gra– veur, par J. B. Passavant, Leipzig, 1859-60, » écrit et publié en français, s'est arrêté au tome second. Cette publication, qui soulève des questions assez délicates, a rencontré en France une opposition vive et des critiques acerbes, et les hommes spéciaux

prétendent qu'elle n'ajoutera rien à la réputation de son auteur. Quoiqu'il en soit du mérite de ce dernier ouvrage, et des imperfections même des autres, lorsque nous jetons un coup d'œil rétrospectif sur la vie de l'homme que nous avens cherché à faire connaître, il est impossible, à tout prendre, de ne pas envier une existence si bien remplie, de ne pas admirer une force de volonté si soutenue et une si grande activité mise au service d'un des plus nobles buts que l'homme puisse se proposer: chercher à développer chez ses semblables l'intelligence du beau dans les arts, qui n'est autre que le reflet du souverain Beau et de l'harmonie des choses créées.

OTTO MÜNDLER.

DOCUMENTS ET MÉLANGES HISTORIQUES

Il y avait, dans les deux derniers siècles, des peintres de voitures, et ces peintres-là étaient non-seulement des artistes, mais d'excellents artistes, qui ne rougissaient pas de leur emploi, car les carrosses de luxe offraient en quelque sorte une exposition mobile à l'admiration des passants. Il faut dire aussi que de pareils carrosses ne se montraient qu'aux promenades et dans les cérémonies d'apparat, et qu'ils évitaient autant que possible la boue de Paris, cette boue noire et corrosive qui aurait bientôt détérioré les peintures.

« Parmi les merveilles de cette capitale, dit Joubert de l'Hiberderie, dans son Dessinateur pour les fabriques d'or, d'argent et de soie (Paris, Ve Duchesne, 1774, in-8°), on peut regarder les équipages comme une de ces choses rares, dont il sera fait mention dans la postérité. M. Lucas, excellent peintre d'histoire et académicien, est auteur de la plupart de ces voitures brillantes, dont les panneaux sont autant de tableaux précieux, qu'un curieux seroit flatté d'avoir dans son cabinet. Dutour, Huet et Crépin, avec leur pinceau scavant et délicat, peignent journellement de ces magnifiques voitures. Dutour peint les animaux; Huet, les fleurs, et Crépin, les paysages. On peut toujours voir de ces équipages précieux, peints par ces artistes et vernis par Martin, chez les plus fameux selliers de Paris et notamment chez Lancry, rue Saint-Nicaise, visà-vis de l'hôtel de M. le Premier (président). Il fournit presque tous les carrosses pour le roi, pour les ambassadeurs, et pour toutes les cours, ayant un goût supérieur pour réunir dans les équipages la nouveauté, la richesse, l'aisance et le goût. »>

La voiture du sacre de Louis XVI était un chef-d'œuvre en ce genre; elle avait été peinte par Chevalier, de l'académie de St-Luc, avec le concours de Bellier et quelques autres jeunes artistes de talent.

« PreviousContinue »