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Naturellement avide de Gloire & d'Honneur, il ne regardoit pas le courage qui y mene comme une chose de furérogation, mais il en fefoit tout le cas imaginable. Il joignoit à cela quelque légere efpérance de fe rendre utile dans cette guerre, & que le Roi lui donneroit, fans prononcer de jugement, Callirrhoë pour le prix de la valeur, th

La Reine ne vouloit point emmener avec elle cette belle Syracufaine; elle n'en parla point par cette raison, & ne demanda point au Roi ce qu'il vouloit qu'on en fit. Artaxate gardoit auffi le filence, n'ofant point fans doute parler d'amour à fon maître, tandis qu'il le voyoit en danger. Mais, pour dire la vérité, il étoit auffi enchanté de fe voir débarraffé de Callirrhoë que fi c'eût

été une bête féroce; & je crois qu'il rendoit graces à la guerre d'avoir coupé cours à une paffion qui ne devoit fa naiffance & fes progrès qu'à l'oifiveté. Le Roi n'avoit pas cependant mis en oubli Callirrhoë; au milieu de ce tumulte affreux, il fongeoit à fes charmes. Il craignoit de s'en informer; de peur qu'en fefant mention d'une belle femme. dans un tems où il n'étoit queftion de combattre, il ne donnât de lui une mauvaise impreffion à tous fes fujets. Quoique forcé par fa paffion, il ne parla point cependant de Callirrhoë à Statira, pas même à l'Eunuque, quoiqu'il fût le confident de fon amour; mais il imagina ceci. C'est un ufage en Perfe, que lorfque le Roi & les Grands vont à la guerre, ils emmenent avec eux

que

des

leurs femmes, leurs enfans, leur or, leur argent, leurs habits les plus précieux, leurs concubines eunuques, des chiens, de riches tables, tout ce qu'ils ont en un mot de plus rare & de plus capable de donner une grande idée de leur magnificence & de leur luxe. Le Roi, ayant donc mandé celui qui avoit foin de toutes ces chofes, lui fit d'abord un long difcours, & régla de la maniere qu'il falloit que tout fût; enfin il lui parla de Callirrhoë d'un air grave & propre à faire penfer qu'il n'y prenoit aucun intérêt. Que cette miférable Etrangere, dont j'ai pris fur moi le Jugement, fuive auffi avec les autres femmes. Callirrhoë fortit ainfi de Babylone, & ce ne fut pas fans plaifir: car elle fe flattoit que Chereas en feroit pa

reillement forti; que les évenemens de la guerre pourroient apporter quelque changement à fes malheurs,

&

que la Paix, venant tout à coup à fe faire, on termineroit peut-être fon Procès.

LIVRE SEPTIEM E.

OUT le monde étant forti

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avec le Roi, pour aller audevant des Egyptiens, Chereas, qui n'étoit point né fon fujet, ne reçut point l'ordre de fe mettre en marche, & c'étoit le feul homme libre qui fe rencontrât alors à Babylone. Il en fut charmé, parce qu'il croyoit que Çallirrhoë étoit auffi reftée. Le lendemain il fe rendit au Palais pour la voir; mais trouvant tout fermé & beaucoup de Gardes aux portes,

il

il parcourut toute la Ville pour la chercher; & fans ceffe, comme un furieux, il demandoit à son ami Polycharme ce qu'elle pouvoit être devenue; car il ne pouvoit s'imaginer qu'elle eût fuivi l'armée. Ne l'ayant trouvée nulle part, il fe rendit où logeoit Denys fon Rival. Il en fortit quelqu'un qui avoit l'air fort occu pé, & qui lui apprit ce qu'on lui avoit recommandé de dire. Denys fouhaitoit que Chereas, perdant tout espoir d'époufer jamais Callirrhoë, n'attendît pas la décifion du procès Il avoit dans cette intention laiffé en partant pour l'armée, une perfonne de confiance qu'il avoit chargé de lui dire, que le Grand Roi ayant befoin de troupes, avoit envoyé Denys pour lever une armée contre les Egyptiens, & que pour Tome II.

D

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