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jour avec Chereas. L'Eunuque, ne pouvant rien obtenir, lui dit, Madame, je vous donne le tems de la réflexion. Penfez non feulement à

vous, mais encore que Chereas court rifque de périr de la mort la plus cruelle. Le Roi ne fouffrira jamais de fe voir vaincu en Amour. Il partit, & ces dernieres paroles frapperent vivement Callirrhoë.

La Fortune, ayant trouvé matiere à quelque chofe de plus nouveau, mit bientôt fin à toute cette intrigue amoureuse. On vint annoncer au Roi que l'Egypte s'étoit révoltée, & qu'elle avoit fait de grands préparatifs ; que que les Egyptiens avoient tué leur Satrape, & s'étoient choifi un Roi; que l'ayant à leur tête, ils avoient traverfé Pélufe, & que déja ils ravageoient la Syrie &

la Phénicie s'opposer à une armée qui se portant avec l'impétuofité d'un torrent, ou d'un incendie, menaçoit de tout engloutir & de tout embrafer. Cette nouvelle troubla le Roi, les Perfes en furent dans l'étonnement, Babylone en fut confternée. Les Devins publioient que le Songe du Roi avoit annoncé ce qui devoit arriver; que les Dieux, en demandant des facrifices, avoient fait connoitre qu'on feroit victorieux, mais que ce ne feroit pas fans danger. Il ne fe difoit rien, & il ne fe fefoit rien, que ce qui a coutume de fe dire & de fe faire en pareille occurrence. Une guerre fi peu attendue avoit ébranlé l'Afie. Le Roi ayant convoqué les Pairs du Royaume & tous les Chefs des Nations alors à fa Cour,

aucune ville n'ofant

qu'il avoit coutume de confulter dans les plus grandes affaires, déli, béra avec eux fur les conjonctures préfentes. Les avis fe trouverent partagés; mais chacun convint qu'il falloit ufer de diligence, & ne point différer d'un feul jour, fi cela étoit poffible, pour deux raifons. L'une, pour empêcher l'Ennemi de devenir plus puiffant, & l'autre pour encourager ceux qui étoient refté fideles, en leur fefant envifager le fecours comme prochain. Au lieu qu'en tardant, tout iroit de mal en pis, que les ennemis les mépriferoient , parce qu'ils paroîtroient craindre, & que ceux qui leur étoient demeurés fideles, fe voyant négligés, fe remettroient entre les mains des Rébelles. Ce fut un grand bonheur que le Roi ne fe trouvât

point alors à Bactres, ni à Ecbatane, mais à Babylone qui n'eft pas éloignée de la Syrie: car il n'avoit qu'a paffer l'Euphrate pour en venir auffi-tôt aux mains avec les Rébelles. Il fut décidé de faire marcher fur le champ toutes les troupes qui fe trouvoient près du Roi, & d'envoyer de tous côtés dans les Provinces des ordres d'enroller des foldats qu'on conduiroit fur l'Euphrate. Il eft aifé aux Perfes de rassembler en peu de tems leurs forces. Par un Réglement de Cyrus, leur premier Roi, chaque peuple foumis à cet Empire fait le contingent qu'il doit fournir, & s'il doit donner de l'infanterie, de la cavalerie, des gens de traits, des chars armés à la légere, d'autres armés de faux tranchantes des éléphants, de l'argent & les

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autres chofes néceffaires aux trou. pes. Au moyen de cela il ne faut pas plus de tems à une grande armée pour tous fes préparatifs qu'il n'en faut à un feul homme pour faire les fiens.

Le cinquieme jour de la nouvelle reçue, le Roi fortit de Babylone accompagné de tous ceux qui étoient en âge de porter les Armes, fuivant l'ordre qu'il en avoit donné. Denys fe mit auffi en marche; car étant Ionien & par conféquent fujet du Roi, il ne lui étoit pas permis de refter. S'étant couvert de fes plus belles armes, & ayant formé un corps confidérable des gens qu'il avoit amenés à fa fuite, il fe plaça aux premiers rangs & dans les endroits les plus remarquables, fefant affez voir parlà qu'il avoit envie de fe diftinguer.

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