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Roi rougit à ces mots: Ceffe, lui ditil, de me donner un tel confeil. Qui moi, que j'aille feduire une femme qui ne m'appartient point! non, je n'ai point oublié les Loix que j'ai pofées, ni l'Equité dont je me fais gloire d'observer les regles en toutes occafions. Je n'ai rien à me reprocher contre la tempérance, & je ne fuis point épris jufqu'à un tel point. Artaxate, craignant de s'être trop avancé tourna le difcours à la louange du Roi. De tels fentimens Seigneur, font bien dignes de votre grande ame. Au lieu d'employer contre l'Amour un remede dont font ufage tous les autres hommes, vous ávez recours à un plus efficace : Roi, vous voulez vous vaincre vous-même. Vous avez raifon, Seigneur, vous êtes le feul qui puiffiez

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dompter ce Dieu. Écartez donc de votre ame les chagrins, livrez-vous à tous les plaifirs, & principalement à celui de la chaffe que vous aimez par deffus tout, & qui vous fait fouvent oublier le boire & le manger. Il vaut mieux vous y abandonner que de refter dans votre Palais près d'un Feu qui peut vous confumer.

Ce Confeil plut au Roi, qui ordonna une chaffe magnifique. Des Cavaliers bien parés, ce qu'il y avoit de plus diftingué parmi les Perfes, & l'élite de l'Armée mon terent à Cheval. Ils étoient remar→ quables par leur bonne mine, mais le Roi les effaçoit tous, Un cheval de Nife le relevoit encore par fa beauté & fa grandeur: il avoit un frein des boffetes & un poitrail d'or. Il étoit vêtu d'une robe de pour.

pre Tyrienne travaillée à Babylone. Il avoit fur la tête une Tiare de couleur hyacinthe, au côté, un fabre à poignée d'or, deux javelots à la main, & fur les épaules un carquois & un arc, ouvrage magnifique des Seres. Il avoit l'air fier, & tout occupé de fa bonne mine; tant il eft naturel à l'Amour d'aimer & de rechercher la parure. Il auroit voulu dans cet équipage être apperçu de Callirrhoë au milieu de fon cortege nombreux. En traverfant la Ville, il jettoit de côté & d'autre les yeux pour voir fi elle n'étoit pas accourue à ce fpectacle. Bientôt vous auriez entendu les montagnes retentir du henniffement des chevaux, des cris des chaffeurs & des chiens ; vous les auriez vu lancer le gibier, & courir après celui qu'ils avoient fait

partir. Cette ardeur, cette impétuofité auroient fait oublier l'Amour même, puisque le plaifir n'étoit pas fans fatigue, la joie fans danger & que le péril avoit fes agrémens. Mais le Roi, tout occupé de Callirrhoë quoique abfente, ne voyoit ni chevaux, quoiqu'il y en eut tant qui couruffent devant lui, ni gibier, malgré la quantité de celui qu'on poursuivoit : il n'avoit qu'elle devant les yeux. Sourd aux cris des Chaffeurs & des Chiens, il n'entendoit que Callirrhoë, quoiqu'elle ne parlât point. L'Amour, ce Dieu qui se plaît dans le trouble, l'avoit accompagné à la chaffe, & le voyant s'armer de réfolution & dreffer contre lui une batterie la tourna contre lui, & fit fervir à l'enflammer davantage le remede même qu'il

avoit voulu apporter à fa paffion. S'étant gliffé dans fon cœur, il lui difoit Quel agréable fpectacle n'auroit-ce point été de voir ici Callirrhoë, la jambe couverte d'un brodequin, le bras nud, le vifage vermeil & le fein palpitant :

» Telle qu'on voit Diane fe diver» tir à chaffer fur le Taigette ou » l'Erymanthe le fanglier, ou le cerf »leger à la courfe.

Telle il fe la repréfentoit, & cette image l'enflammoit encore plus.

Il y a ici une Lacune dans le Manuferit.

Il parloit encore lorfqu'Artaxate reprit la parole. Seigneur, vous avez fans doute oublié ce qui s'eft paffé; Callirrhoë n'a point de mari, & le jugement qui doit décider de fon fort n'eft point encore prononcé.

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