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reufe navigation, & qu'ils ne permettent point que vous foyez ja-. mais féparée de Chereas. J'ai toujours eu lieu de me louer de la maniere dont vous vous êtes conduite à mon égard, & vous avez toujours fait paroître un caractere excellent, qui s'accorde bien avec votre beau té. En me confiant un Dépôt fi pré cieux, le Roi m'a obligé plus qu'on ne peut dire.....

Qui pourroit décrire tout ce qui occupa les deux Flottes en ce jour ? Leurs vœux, leurs adieux, la gaieté des uns, la trifteffe des autres, les Commiffions, les Lettres dont on fe chargeoit mutuellement. Chereas écrivit auffi au Roi ; fa Lettre étoit, conçue en ces termes :

<>Vous avez différé à juger la Caufe » qui étoit pendante à votre Tribu•

A

»nal; je l'ai gagnée devant le plus » équitable de tous les Magiftrats. La Guerre décide en effet en der» nier reffort du jufte & de l'injufte. » C'eft à elle que je dois Callirrhoë. » Non-feulement elle m'a rendu maî »tre de ma femme, mais encore de » la vôtre. Je n'ai point imité votre. » lenteur, & fans attendre que vous » redemandiez Statira, qu'on a toujours traitée en Reine pendant fa » captivité, je vous la renvoie dans » le même état où elle est tombée » entre mes mains. Ce n'est point" moi qui vous fait ce préfent, c'est » Callirrhoë: Je vous prie de m'ac»corder en échange la grace des » Egyptiens. Il convient encore plus. » à un Roi qu'à tout autre,d'oublier » & de pardonner les injures. Vous: » trouverezɔen eux de braves fol

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» dats qui vous font attachés, & qui » ont mieux aimé retourner auprès » de vous, que de me fuivré comme » ami.

Telle étoit la Lettre que Chereas écrivit au Roi. Callirrhoë fe crut auffi obligée par devoir & par reconnoiffance d'écrire à Denys. Comme elle favoit que Chereas étoit naturellement jaloux, elle tâcha de le faire, fans qu'il en eût connoiffance; & ce fut la feule chofe qu'elle entreprit fans la lui avoir communiquée. Voici le contenu de fa Lettre. » CALLIRRHOEA DENYS »SON BIENFAICTEUR, Salut:

» Ce Nom vous appartient à juste » titre, puifque vous m'avez arra »chée des brigands, & que vous » avez brifé mes fers. Ne foyez » point fâché contre moi, je vous » prie

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» prie, mon ame eft encore avec » vous, notre fils vous en eft ga >> rant. Je vous remets le foin de »fon éducation, qu'elle foit digne » de nous. Ne lui donnez point de » Belle-Mere. Vous avez, non-feu »lement un fils, mais encore une » fille. Deux enfans vous fuffifent. » Donnez-lui une femme, lorfqu'il » fera en âge d'être marié, & 'en»voyez-le à Syracufe, pour le faire » voir à fon Ayeul. Je falue Plangone. Cette Lettre eft écrite de » ma main, Adieu Denys, n'oubliez » pas votre chere Callirrhoë.

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Ayant cacheté cette Lettre, elle la cacha dans fon fein, & lorfqu'il fallut enfin partir & monter fur les Vaiffeaux; ayant pris Statira par la main, elle la fit entrer dans celui qui lui étoit deftiné. Démétrius Tome II.

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y avoit fait préparer un Pavillon magnifique de pourpre Tyrienne, relevé d'une broderie d'or travaillée à Babylone. Callirrhoë la plaça ellemême fur le Lit, en lui faisant toutes fortes de careffes. Adieu, Madame dit-elle à Statira, ne m'oubliez pas, donnez-moi fouvent de vos nouvelles à Syracufe. Tout eft facile à un Roi; je vous en faurai tout le gré poffible, & auprès de mes Parens & auprès des Dieux de la Grece. Vous preniez plaifir à voir mon fils; je vous le recommande; regardez-le comme un dépôt que je remets entre vos mains. Ces paroles tirerent des larmes des yeux de Statira; fes femmes les accompagnerent des leurs. Prête à fortir du vaiffeau, Callirrhoë, s'étant légerement inclinée vers la Reine, lui remit fa

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