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romain. Ecco fiori marque un progrès remarquable la couleur aborde franchement les tons vifs et les harmonise sans les rompre; le dessin a plus de fermeté et de largeur. N'était la pose peu naturelle de la petite fille assise et l'exécution négligée de ses cheveux, on pourrait considérer Ecco fiori comme une des meilleures productions de ce talent sympathique.

M. Clère marchera avec honneur sur les traces de M. de Curzon quand il aura acquis une couleur plus soutenue; il a le sentiment, le dessin, la tournure, l'expression des physionomies; mais la clarté exagérée du ton établit entre les plans de ses tableaux une confusion regrettable, et le rapport des ombres et des lumières manque de justesse. M. Reynaud appellerait une critique tout opposée, si la puissance d'originalité dont il donne aujourd'hui un éclatant témoignage n'imposait pas à la crititique de grands ménagements. Le jour où un artiste trouve sa voie, le devoir de la critique nous paraît être moins de gêner son élan par des reproches de détail que de le de le pousser au développement des qualités qu'il révèle. Il y a à blâmer dans les Jeunes filles des Abruzzes, et plus encore dans les Lazzaroni, mais il y a beaucoup à louer dans les Abruzziens. Les trois tableaux indiquent chez celui qui les a peints, non pas seulement le goût, mais déjà la science de la couleur. C'est cette science que M. Reynaud doit s'attacher à développer; mais surtout qu'il se garde de sacrifier l'exécution. On ne manquera pas de vanter sa facture large, de lui dire qu'il a la touche énergique et fière, et qu'il est beau de peindre haut la main. Pour nous, l'étude des maîtres nous a convaincu de cette vérité: qu'une exécution pleine et serrée constitue la première condition de vitalité d'une œuvre d'art. Allez à Venise et à Rome, allez en Hollande ou dans les Flandres, en France même et en Espagne, de Van Eyck à Véronèse, de Titien à Raphaël, de Ribera à Poussin, de Rembrandt à Louis David, parcourez la série des maîtres les plus grands sont des exécutants de premier ordre, les chefs-d'œuvre sont des œuvres admirablement peintes, et si Rubens se voit parfois contester sa gloire, c'est parce que son exécution n'a pas toujours atteint la perfection de la Descente de Croix, du Mariage de Marie de Médicis, ou du Portrait de famille de l'église Saint-Jacques à Anvers.

Parmi les nouveaux venus du costume italien, il serait injuste d'oublier M. Boucart, auteur de la Fenaison napolitaine, et M. Charlemagne Robert, dont la Rue à Casamicciola a le charme mélancolique d'une élégie. La Réprimande de M. Brandon, aussi bien que l'Écrivain public de M. Salles, semblent se rattacher au système de peinture doucereux que M. Van Muyden a mis à la mode. Observateur parfois malin des mœurs

italiennes, M. Van Muyden les raconte en grasseyant un peu, dans un style plein de distinction et de charme. On connaît, pour les avoir déjà vus chez les marchands, le Moine en prière, l'Intérieur de Capucins, la Famille italienne en voyage. Cache-cache est un très-joli tableau de genre qui n'a rien d'italien, et qui conserve le même attrait de couleur aimable. La peinture de M. Van Muýden ne peut manquer de plaire aux dames. C'est de quoi, pour son compte, M. Montessuy ne se soucie guère. Il suit avec une inébranlable ténacité la voie d'observation consciencieuse qu'il s'est tracée. S'il épuisait aux accessoires son talent d'imitation, on aurait droit de le blâmer; mais il dessine la figure humaine avec les mêmes scrupules de sincérité, sans jamais sacrifier au mensonge ou à la fantaisie. De là un caractère d'une originalité absolue, dont la Famille en prière et l'Intérieur de cloitre, exposés au Salon de 1861, ne donnent peut-être pas une idée suffisante. On remarquera dans ce dernier tableau la lutte convaincue de l'artiste contre les blancs de nuance différente qu'il avait à reproduire. La Famille en prière ne le montre pas moins fidèle à la nature étudiée sans parti pris. Un jour viendra où les amateurs se disputeront les tableaux du maître lyonnais.

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L'Espagne avait jadis trouvé en M. Eugène Giraud un peintre assez heureux de ses folies amoureuses. La Bohémienne de Séville fait regretter ce bon temps. Mais M. Zo a ramassé sa palette, et, du même pinceau un peu extravagant, il peint des Gitanos couleur de cuivre les jaunes, les roses, les blancs s'en donnent à cœur-joie, comme gens habitués à jurer de compagnie. Il ne faudrait pas examiner de trop près le dessin des figures, ni vérifier si elles sont bien à leur plan. L'ensemble amuse, M. Zo est content, le public aussi. M. Hédouin a représenté avec plus de vérité le costume espagnol : la gravure des Colporteurs, dont il a bien voulu tracer lui-même le dessin, donnera une juste idée de ce tableau lumineux, où la grâce piquante des figures a pour cadre un paysage d'une couleur claire et transparente.

A un point tout opposé de la carte d'Europe, en Norvége, M. Tidemand entreprend, avec un talent un peu roide encore, de nous révéler les mœurs et les costumes de son pays. M. Patrois a emprunté à la Russie quelques-unes de ces scènes pittoresques que ses romanciers commencent à nous raconter, la Procession des saintes images, l'Izba, la Bonne aventure. L'Izba est un tableau complet et saisissant, tout animé du souffle d'une poésie étrange. Dans la Procession, les ombres du deuxième plan ne diffèrent pas assez de valeur avec la demi-teinte du premier. La Bonne aventure offre un groupe charmant de jeunes filles. Des qualités viriles distinguent M. Patrois : la fermeté du dessin, la soli

dité tempérée du ton local, un coloris doré qui semble refléter l'Orient, un sentiment du beau proche parent du style. Le Quatuor de M. Jundt se recommande par des mérites analogues: mais le Premier-né reproduit une scène de famille comique qui pourrait aussi bien se passer en Bourgogne que dans le Tyrol : l'intérêt du costume y devient secondaire; l'esprit des physionomies gâte la valeur d'art du tableau, si toutefois l'esprit gâte jamais quelque chose.

Sans courir si loin, les peintres de mœurs et de costumes n'ont qu'à parcourir les anciennes provinces de la France, à chaque pas des costumes pittoresques les arrêteront, des mœurs imprévues leur offriront des tableaux tout faits. Longtemps la Bretagne a eu seule le privilége d'attirer les artistes. Aujourd'hui d'autres provinces les lui disputent. Mais ceux qu'elle a formés lui demeurent encore fidèles. M. Fortin est par droit d'ancienneté le chef des Bretons bretonnants. Comme les peintres habitués à tourner dans le même cercle d'idées ou de modèles, M. Fortin en vient à économiser ce qu'il prodiguait naguère : une ou deux figures lui suffisent pour un tableau. L'intérêt s'en trouve amoindri, et, des Scènes familières ou des Intérieurs trop connus, il se reporte tout entier sur la Tempête, heureux essai, en un genre nouveau, d'un talent à qui l'on ne supposait pas un telle vigueur. M. Lebel marche avec succès dans la voie tracé par M. Fortin. M. Gouézou s'y engage peu à peu. Son Berceau vide, petit drame intime que nous reproduisons ici, nous parlat supérieur à la Charité militaire, seconde édition de l'anecdote, qui a inspiré M. Loyer. Le Convoi d'une jeune fille et le Repas de noce sont l'œuvre d'un homme qui n'a pas encore les mêmes motifs d'économie que M. Fortin M. Guérard a tiré bon parti de la quantité de figures qui peuplent ces deux tableaux. Il manie avec aisance le costume et le peint d'une agréable couleur. On peut lui reprocher toutefois certains blancs un peu criards les jeunes filles du Convoi ne tiennent pas assez non plus au sol qui les porte. Le Repas présente un ensemble plus harmonieux et plus solide.

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M. Antigna, contrairement à la pratique ordinaire des peintres de genre, marche toujours vers un progrès nouveau. Les filles d'Eve se ressentent encore de la couleur noire et épaisse qu'il avait adoptée d'abord. Les sujets bretons empruntés au poëme de Brizeux sont peints d'un ton plus transparent et plus léger. On aime surtout la Fontaine verte, petit cadre d'une fraîcheur charmante, vraiment animée d'un souffle de poésie. Ce sont aussi des pages poétiques, plus directement inspirées de la nature, cette Noce et ces Joueurs de boules où M. Adolphe Leleux a déployé une largeur d'exécution peu commune et un sentiment très-juste de l'accord de la figure et du paysage.

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L'Alsace, découverte bien postérieurement à la Bretagne, ne compte qu'un nombre restreint d'explorateurs, mais tous sont à citer, parce qu'ils apportent à la représentation des mœurs et des costumes de leur pays un zèle patriotique secondé par le plus légitime talent. M. Brion, M. Schutzenberger, M. Schuler, voilà certes trois artistes excellents, j'allais dire trois maîtres de la peinture de genre. Au dernier revient peut-être la palme de l'originalité, parce que, fixé sur les lieux mêmes, M. Schuler ne perd jamais de vue ses modèles de là le caractère profondément

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sincère des Emigrants. M. Schutzenberger en use plus librement avec sa nationalité : volontiers il se répand au dehors, il aborde les sujets les plus opposés, les Terpsychores, Marie Stuart en Ecosse; mais il ne rencontre jamais si bien que lorsqu'il revient à sa chère patrie; l'Idylle allemande a plus de charme à nos yeux que le Braconnier à l'affût ou le Souvenir de chasse. De ces trois fils dévoués de l'Alsace, M. Brion est le plus dévoué et le mieux récompensé de son dévouement. La Noce, placée d'abord à contre-jour, produisait un effet déplorable. Aujourd'hui que la lumière l'éclaire pleinement, elle apparaît comme l'œuvre capitale de la peinture de genre au Salon de 1861. Le Benedicite, ou plutôt la bénédiction nuptiale donnée par le père, et le Repas de noce mettent déjà suffisamment en relief les heureuses qualités de M. Brion on admire avec

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