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milieu des rejetons qui l'entourent, paraît être le géant de la forêt. Deux des victimes, les mains liées derrière le dos au tronc même de l'arbre, ne peuvent se tenir qu'accroupies. La troisième, attachée par les bras à une branche, touche difficilement à terre. Le caducée est gravé dans le bas à droite.

Cette pièce a été copiée par Jérôme Hopfer. Il y a des premières épreuves tirées sur un papier dit à la couronne.

C'est en vain que nous avons cherché dans la mythologie et les poètes du xvre siècle le sujet de cette composition, que nous avons fait graver comme étant une des meilleures pièces du maître. Jacopo de Barbarj a pu montrer dans son Saint Sébastien un dessin plus savant, un regard plus expressif, mais il n'a jamais surpassé, comme grâce et élégance, le mouvement du jeune homme représenté debout.

27-28. LE PAYSAN ET SA FAMILLE (Bartsch-Ottley, no 14 et 10). Haut. 83 mill. Larg. 43 mill. Première feuille. Un paysan pauvrement vêtu porte sur son épaule un berceau et dans l'une de ses mains un pot, seuls objets sauvés probablement d'un désastre. Il dirige ses pas vers la droite, mais détourne ses regards comme pour voir si sa femme le suit.

Le caducée est gravé au bas de la droite.

Deuxième feuille. La femme marche derrière. Un turban entoure sa tête, une longue robe couvre son corps. Elle porte sur son bras droit un enfant, et tient de sa main gauche une écuelle; une quenouille est attachée derrière son dos.

Le caducée se remarque au bas de la droite.

Ces deux pièces ont été copiées par Jérôme Hopfer, et celle de la femme par un anonyme qui l'a gravée en contre-partie.

Bien que ces deux sujets ne se relient pas parfaitement ensemble, il n'y a nul doute qu'ils aient été gravés pour se faire pendant, et que la signification de l'un se complète par celle de l'autre. La figure de la femme est sans originalité bien marquée; celle de l'homme, au contraire, est pleine de caractère et l'une des mieux réussies de l'œuvre.

29. LES DEUX CENTAURES. Haut. 430 mill. Larg. 428 mill. Un centaure, enlacé d'un dragon et de serpents, court vers la gauche, où il est suivi de près par un second

centaure.

Le caducée est en haut et à gauche.

M. E. Harzen a décrit cette pièce, que nous n'avons jamais eu occasion de voir, dans un article des Archives des arts du dessin, t. ler, ́p. 210 à 220.

GRAVURES SUR BOIS.

Vue de Venise. Haut. 2 mèt. 83 mill. Larg. 1 mèt. 36 mill. - Six morceaux presque d'égales dimensions (trois dans la largeur, deux dans la hauteur) forment l'ensemble de ce plan, dont nous empruntons à M. Lazari la description 1.

La cité de Venise est vue à vol d'oiseau d'un point situé au delà de l'île San Giorgio Maggiore, puisque dans le bas l'on aperçoit seulement une partie de la Giudecca et de Sant' Elena, et que dans le haut l'on voit les bords de la terre ferme. Au milieu de l'estampe, et dans sa partie supérieure, on distingue, porté sur des nuages, Mercure avec un casque ailé sur la tête et un caducée à la main. Autour du dieu est gravée cette épigraphe: MERCURIUS PRE CETERIS HVIC FAVSTE EMPORIIS ILLUSTRO, et au-dessous le nom de Venise avec l'année M.D tracée en forts caractères.

La grande cité remplit presque entièrement la planche, et, parmi toutes les îles qui forment sa couronne, on ne distingue que San Secondo, San Cristoforo della Pace, San Michele et Murano. Les eaux du milieu desquelles sort Venise sont diversement taillées, de manière qu'on puisse reconnaître les canaux navigables des bas-fonds marécageux.

Des barques qui se disputent le prix des régates, des navires de toute sorte qui sillonnent la mer, donnent une idée précise de l'état de la marine marchande et militaire au XVe siècle. Presque au milieu du bas, sur le canal San Marco, on aperçoit Neptune porté sur un dauphin, et tenant à la main un trident avec une tablette renfermant l'inscription: ÆQUORA TVENS PORTV RESIDEO HIC NEPTVNVS. Les têtes des vents avec leurs noms indiquent tout autour la position géographique et servent d'ornements.

Les maisons publiques et privées sont dessinées avec une rare exactitude, ce qui nous permet de recomposer, jusque dans ses plus petits recoins, Venise telle qu'elle était il y a trois siècles et demi. Dans cette planche, les vieux Procuraties n'ont que deux ordres superposés; le campanile de San Marco est couvert d'une toiture basse, autre que celle qui existe de nos jours. A l'angle du palais ducal, près le pont della Paglia, s'élève une tourelle; entre les colonnes de la Piazzetta, on voit une pierre carrée, sur le lieu consacré au supplice des rois. Le long du quai des Schiavoni, deux petites tours indiquent le palais concédé à Pétrarque par la république; et enfin, dans le bassin à flot de l'Arsenal, on distingue le Bucentaure désarmé.

Le pont du Rialto est une construction couverte en bois et qui forme pont-levis. Tout auprès, on distingue un élégant édifice, sur l'emplacement où s'éleva plus tard le palais Camerlinghi. Celui des Lorédan, devenu la propriété des Vendramin Calergi, n'est point encore construit, et, au levant de l'église actuelle et du couvent des jésuites, les eaux des lagunes occupent l'espace où aujourd'hui s'élèvent des constructions qui s'étendent jusqu'à la place des Santi Giovanni e Paolo, sur laquelle était déjà dressée la statue équestre de Colleoni.

Quant aux places publiques, quelques-unes sont pavées; mais sur la plupart les herbes poussent, ainsi que Sabellico le dit dans son ouvrage sur Venise.

Toutes les églises ou autres édifices remarquables ont leurs noms taillés en lettres

1. Notizia delle opere d'arte et d'antichità della raccolta Correr.

gothiques très-petites. Les autres épigraphes sont marquées en chiffres romains sculptés dans le bois, ou en caractères de plomb entés dans la planche.

Premier état. Il porte l'année M.D, et le campanile est surmonté du toit très-bas et en bois qui fut élevé après l'incendie causé par la foudre, en 4489, et qui détruisit la flèche.

Deuxième état. Lorsque le campanile eut reçu, entre les années 4544 et 4514, la toiture élancée qu'il a encore aujourd'hui, les éditeurs crurent bon, pour faciliter la vente de leur planche, de refaire le toit et d'enlever la date qui accusait un plan déjà ancien.

Cicogna (Iscr. Ven. Iv. 700) voulait que ce second état fût le premier. Ce critique supposait que le dessinateur, ayant eu communication du projet des architectes, avait donné tout d'abord au campanile la toiture qu'il devait avoir plus tard, mais que des années s'étant écoulées sans que le projet fût exécuté, l'éditeur avait remis le comble véritable. M. Lazari, avec une grande rectitude d'esprit, a combattu les opinions de Cicogna et rendu aux épreuves leur ordre véritable.

Troisième état. Le toit provisoire et le millésime M.D ont été rétablis pour satisfaire le goût des amateurs. Les épreuves de cette dernière impression, faites peut-être au milieu du XVIIIe siècle, ne peuvent être confondues avec celles tirées au XVIe siècle, grâce aux nombreux trous de vers qui les déparent.

Enfin, en 1838, on tira à la main quatre épreuves fort mauvaises, vu l'état dans lequel se trouvent les planches.

Ce fut un négociant de Nuremberg établi à Venise, Antoine Kolb, le défenseur du talent de Barbarj, comme nous l'avons vu dans une lettre d'Albert Dürer; ce fut lui, disons-nous, qui publia et fit les frais de cette estampe. Une supplique adressée par lui à la seigneurie de Venise, et tirée des archives de cette ville par Cicogna 1, nous a mis au courant de toute cette affaire.

Antoine Kolb, pour obtenir l'autorisation de vendre et de débiter ce plan sans entraves dans tous les États de la république, adressa à la Seigneurie une supplique dans laquelle il faisait ressortir les difficultés qu'il avait eues à vaincre, soit pour avoir un dessin exact, soit par suite de la dimension de l'estampe et du papier, soit à cause de l'art nouveau d'imprimer des planches si considérables. Ces travaux, entrepris à la gloire et en l'honneur de la ville de Venise, n'ont pas coûté, dit-il dans sa demande, moins de trois années de soins et de dépenses; aussi ce plan, malgré son utilité incontestable, ne pouvait-il point se vendre, selon son dire, moins de trois florins d'or. L'autorisation qu'il demandait lui fut accordée le 30 octobre 1500, avec un privilége faisant défense de contrefaire cet ouvrage pendant quatre années.

1. Sanuto diario, III, p. 730.

Cette pièce sur bois est la seule qu'on puisse avec certitude, suivant nous, attribuer au maître au caducée. F. de Bartsch, dans le Cabinet des estampes de la bibliothèque impériale de Vienne, lui en attribue cependant deux autres.

La première représente le combat de la Vertu contre le Vice. Une armée d'hommes nus est aux prises, dans des gorges escarpées, avec des satyres qui se défendent opiniàtrément. On conduit à un vieillard, assis sur le premier plan, la Volupté prisonnière sous la figure d'un amour. Près de ce vieillard, un homme vu de dos tient une lance à laquelle est attachée une tablette portant ces lettres : Q. R. F. E. V. (Quod recte factum esse videtur.)

La deuxième pièce représente la Vertu triomphant du Vice. Le vieillard, vainqueur de la Volupté, est conduit au temple de la Vérité sur un char traîné par des sirènes. Trois tablettes, l'une avec ces mots: VIRTUS excelsa cupidinem ære regnantem DOMAT; l'autre avec la représentation de la défaite du Vice; la troisième avec les lettres Q. R. F. E. V. retracent toute l'histoire de ce drame.

M. F. de Bartsch a cru que ces deux pièces, extrêmement rares, étaient gravées sur métal; mais il se trompait évidemment, car on en tonnaît des épreuves avec des piqûres de vers.

Ces deux estampes ne nous rappellent nullement le style et la manière de Jacopo de Barbarj. Deux caducées portés, dans la seconde pièce, par des soldats victorieux, ne justifient pas suffisamment cette attribution. Nous croyons plus volontiers ces morceaux gravés d'après des compositions de Signorelli ou de son école, avec lesquelles elles ont tout au moins une grande analogie.

IV.

JUGEMENT.

Après avoir signalé les tableaux et décrit les gravures de Jacopo de Barbarj, il nous reste encore à dire en quoi ce maître excella. On l'a vu, Jacopo a traduit la nature morte, le paysage, les animaux et la figure humaine. Mais la finesse de son burin, le précieux de son pinceau, trahissent plus la patience et la délicatesse du miniaturiste que la liberté du peintre. Son imagination était pauvre; aussi préférait-il représenter un personnage isolé que composer une scène. Le caractère du talent de Jacopo de Barbarj est donc surtout dans le style de ses figures prises séparément; mais l'alliance du sentiment italien avec le goût allemand, qui se retrouve dans toutes ses œuvres, rend difficile de préciser les

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