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«< Campana. A la suite de nos choix faits et limités, comme il a été dit, aux œuvres de << premier ordre, la France a payé le surplus 842,000 écus romains ou 4,360,440 francs. » « Or, la Russie a acquis pour 650,500 francs, non pas la plupart des principales pièces, mais un certain nombre de morceaux dont nous donnons plus bas le chiffre en regard de celui des acquisitions de la France.

« Le musée Campana se compose de douze séries. Le commissaire russe n'a eu à choisir que dans cinq séries: les séries des vases, des bronzes, des bijoux, des sculptures et des peintures. Mais dans ces cinq séries même, le gouvernement romain avait fait une réserve pour ses musées, réserve à laquelle le commissaire russe n'a pu toucher. Le vase de Cumes seul a pu être obtenu par une négociation particulière.

« Le gouvernement de l'empereur a acquis les douze séries composant le musée; de plus, les commissaires français, MM. Léon Renier et Sébastien Cornu, ont obtenu du gouvernement pontifical que tous les objets choisis par lui dans toutes les séries fissent retour à la collection, et qu'une masse de fragments précieux de vases et de terres cuites, qui n'avaient pas été portés au catalogue, fussent ajoutés à l'acquisition. »> Le tableau suivant donnera une juste idée des acquisitions de la France comparées à celles de la Russie:

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Nous apprenons avec plaisir, par la note précédente, que la portion du musée Campana acquise par MM. Léon Renier et Sébastien Cornu pour la France est de beaucoup supérieure en quantité, et sans doute aussi en qualité, à celle que M. Stépan Guédéonoff avait prélevée sur cette collection célèbre pour le compte de la Russie.

Que M. le commissaire russe ait voulu rehausser l'importance de ses acquisitions, cela est tout simple, et, s'il s'est trompé dans l'appréciation des objets qu'il avait à choisir, nous ne pouvons pas en être bien chagrins, Ce qui est certain d'après la note

du Moniteur, c'est que, sur les douze séries composant le musée Campana, cinq seulement ont été livrées au choix de M. Guédéonoff, et que les objets dont le gouvernement pontifical avait fait réserve ont été abandonnés par lui aux commissaires français.

Sans éprouver le moindre regret d'avoir publié le précieux catalogue des vases, bronzes, bijoux, marbres et peintures achetés par la Russie, nous sommes heureux de la savoir moins riche que nous.

Cependant, comme le nombre ne fait rien à l'affaire et que la qualité importe surtout, nous attendrons avec impatience l'exposition publique du musée Campana, dans l'espoir de la trouver aussi brillante qu'on nous l'annonce, mais sans pouvoir toutefois nous consoler de n'y pas voir figurer, entre autres beaux morceaux, ce magnifique et fameux vase de Cumes dont parlaient avec tant d'enthousiasme tous les antiquaires, et que Raoul Rochette déclarait incomparable.

- L'École des beaux-arts, un peu endormie durant toute l'année, est redevenue un instant vivante pendant le mois qui vient de finir. Des élèves, savamment dressés à la lutte, se sont disputé les prix de sculpture, de paysage, d'architecture et de peinture historique. Nous rendrons compte de ces concours en même temps que de l'exposition des œuvres envoyées par les pensionnaires de l'Académie de Rome.

La grande exposition de Metz touche à son terme, et les divers jurys ont déjà terminé leurs travaux. Celui des beaux-arts, présidé par M. Charles Blanc, se composait de MM. Dauzats, Slingeneyer, délégué de la Belgique, Achenbach, délégué de la Prusse, Cournault, président de la Société lorraine de Nancy, Michel Blanck, président de la Société de Strasbourg, et Migette, peintre, de Metz.

Avant de procéder à l'examen des objets d'art soumis à son appréciation, le jury a cru devoir mettre hors de concours les membres de l'Institut et les artistes qui sont décorés. Après cette élimination, qui était un acte de justice pour les concurrents et un hommage rendu à ceux qui ne doivent plus concourir, le jury a décerné les récompenses dans l'ordre suivant:

Médailles d'honneur: MM. Maréchal fils, Carpeaux (sculpture), van Moer, Devilly, Hubner, de Lemud.

Médailles de première classe: MM. Racine (architecture), Petit-Gérard (peinture sur verre), Lavigne (sculpture), madame O'Connell, Coomans, de Curzon, Hédouin, Devigne, mademoiselle Bernard, Grass (sculpture), Legras, Michel, Zimmermann, Hussenot fils, mademoiselle Sturel-Peigné, N.-Émile Faivre, Alex. Michelis, Pelletier, Lhuillier, de Haes, Ouri.

Médailles de deuxième classe: MM. Feyen-Perrin, Balthazar, Castan, Hanoteau, Lalanne, Roussin, mademoiselle Henriette Ronner, Ponthus Cinier, Fanart, Menessier, Jacquemin (architecture), Touchemolin, Sain, Marquiset, Kluyver, Rust, Bluhm, madame Fanny Geefs, mademoiselle Sartorius, Mallardot (gravure), Stange (gravure), Auguste Constantin, Appian (dessin), Hoegg, Hugo Becker, Auguste Becker, Jungheim, Steinick, Ruths, Lindlar, Rosier, Hærther.

Après avoir distribué les médailles qui avaient été mises à sa disposition, le jury a exprimé unanimement le regret de n'avoir pas été consulté sur un genre de récompense aussi honorable et non moins efficace, les acquisitions. Il lui a semblé naturel que les hommes qui sont appelés à éclairer l'opinion publique sur le mérite des artistes expo-sants fussent également invités à donner un avis sur les achats d'objets d'art. Il a donc été décidé que le jury ferait une observation dans ce sens et y insisterait, non pas pour

la circonstance présente, puisqu'il y a fait accompli, mais pour l'avenir et afin de poser un principe qui a été méconnu partout, dans les expositions de Paris comme dans celles de la province. Un membre du jury, le délégué de la Belgique, a fait observer à cette occasion que le jury belge est chargé non-seulement de distribuer les médailles et les encouragements pécuniaires, de désigner les objets qui seront achetés et les tableaux qui devront être gravés aux frais de l'État, mais encore de dresser officieusement la liste des artistes jugés dignes de la décoration, et qu'ainsi c'est un travail d'ensemble, un travail complet que le jury est tenu de présenter, ce qui ajoute beaucoup à la dignité de ses fonctions, sans rien ôter à la prérogative du gouvernement.

Avant de se séparer, le jury a demandé à la commission générale une récompense hors ligne, une distinction éclatante pour M. Maréchal père, dont le nom est désormais attaché à cet art si national et si brillant, la peinture sur verre, et qui a donné une si heureuse impulsion à la ville de Metz en y fondant l'école d'où sont sortis déjà tant d'artistes distingués.

Un autre enfant de la ville de Metz, M. de Lemud, a paru mériter mieux même qu'une médaille de première classe, et le jury n'eût pas manqué de lui décerner une médaille d'honneur, s'il en avait eu une de plus à sa disposition, pour récompenser les dessins pleins de sentiment et de goût que M. de Lemud a composés sur les Chansons de Béranger, dessins qui sont, il faut le dire, bien supérieurs à leur interprétation par la gravure. En conséquence, le jury a demandé, comme une faveur toute spéciale, une médaille d'honneur pour M. de Lemud.

Nous n'avions jamais vu la ville de Metz, mais nous pouvons dire que l'exposition universelle dont elle a fait si hardiment les frais, y avait attiré un concours immense d'étrangers, et donnait à cette ville, toute militaire, un aspect d'animation industrielle et de gaieté pacifique, plus agréable assurément que celui des canons, des chevaux de frise et des mâchicoulis.

Maintenant, qu'on nous permette une réflexion générale, qui n'infirme en rien la valeur relative du Salon de Meiz, où se trouvaient des morceaux fort remarquables. Que ces sortes d'expositions provinciales soient d'une immense utilité en ce qui touche la science, l'industrie et l'économie politique, cela n'est pas douteux un instant; mais que l'art y trouve les mêmes avantages, disons-le franchement, nous ne sommes pas de cet avis. Ces exhibitions régionales ont pour effet certain d'augmenter outre mesure le nombre des artistes et par conséquent le nombre des médiocrités. Elles donnent au public une éducation vicieuse en lui faisant connaître les arts par un côté frivole, insignifiant, et par des exemplaires qui ne peuvent ni former son goût, ni lui inspirer l'amour des grandes et belles choses. Si les Salons de province étaient composés de peintures et de sculptures franchement mauvaises, peut-être le danger serait-il moindre, parce que tout le monde discerne le mauvais; mais, par malheur, le mauvais n'ose pas trop se montrer, et, d'autre part, les maîtres s'abstiennent le plus souvent, de façon que c'est le médiocre qui abonde, et le médiocre peut séduire aisément ceux à qui manquent les objets de comparaison. Il y a quelque chose à faire, évidemment, il y a quelque combinaison à trouver, et nous la chercherons, pour arrêter cette grande inondation de petits talents, et ce grand petit commerce de la petite peinСн. В.

ture.

Le Directeur : ÉDOUARD HOUSSAY E.

PARIS. - J. CLAYE, IMPRIMEUR,

RUE SAINT BENOIT, 7.

POMPÉI

ET

LES ANTIQUITÉS DU VÉSUVE

I.

Si l'on en croit l'historien Florus, la Campanie passait de son temps. pour le plus beau rivage, non-seulement de l'Italie, mais du monde. Rien, dit-il, n'est plus doux que son ciel; il fait naître deux fois les fleurs du printemps. Rien n'est plus fertile que son sol; Bacchus et Cérès y luttent de fécondité. Rien n'est plus hospitalier que sa mer; là sont des ports célèbres, Gaëte, Misène, et les sources chaudes de Baïes; le Lucrin et l'Averne, sortes de bouches de la mer. Là s'élèvent, couverts de vignes, les monts Gaurus, Falerne, Massique, et le plus beau de tous, le Vésuve, dont les feux imitent ceux de l'Etna. Les villes au bord de la mer sont Formies, Cumes, Pouzzoles, Naples, Herculanum, Pompéi, et la première de toutes, Capoue, que l'on comptait autrefois, avec Rome et Carthage, parmi les trois plus grandes du monde1.»

Aussi la Campanie était-elle le jardin de Rome, le séjour d'été des riches patriciens qui venaient jouir, dans ses villas bâties au bord de la mer, de la fraîcheur des eaux et de la douceur du ciel. La crainte de voir le Vésuve s'éveiller de son repos ne pouvait détourner ces voluptueux Romains de s'établir au pied même du volcan; on eût dit qu'ils prenaient plaisir à braver le péril qui les menaçait et les avertissements qui leur en venaient parfois. Cependant des souvenirs redoutables planaient sur la contrée, et, bien que la mémoire des éruptions et de leurs ravages se perdit dans la nuit de l'antiquité, toute trace n'en était pas effacée encore ni des esprits ni du sol. Le nuage qu'on voyait planer parfois mystérieusement sur le Vésuve pouvait sembler comme un reste des ténèbres dont

1. Florus, I. 16.

la muse d'Homère avait autrefois enveloppé cette côte, alors inhabitée et maudite. Le nom de Champs phlégréens, donné autrefois à toute cette partie de la Campanie voisine du Vésuve, eût été à lui seul un témoignage suffisant de sa nature volcanique et des catastrophes par lesquelles cette nature s'était révélée 1. De vagues traditions s'y joignaient. La fable avait fait de ce pays l'antique séjour des géants, le théâtre de leurs luttes contre Jupiter et contre Hercule, cet Hercule, fondateur d'Herculanum et de Pompéi, à qui l'on attribuait de prodigieux travaux pour rendre la contrée habitable en triomphant des forces aveugles qui la ravageaient. Du temps de Vitruve, on rapportait à l'action de feux souterrains l'origine et les propriétés de la pouzzolane (pulvis puteolanus)2.

Un avertissement plus solennel que tous ceux qui l'avaient précédé fut donné aux villes vésuviennes le cinquième jour de février de l'an 63. Un violent tremblement de terre détruisit entièrement Pompéi, une partie d'Herculanum et un grand nombre de maisons à Naples. Sénèque, qui avait habité Pompéi dans sa jeunesse, nous a transmis le souvenir de cette première catastrophe. L'année d'après, une nouvelle secousse vint renverser le théâtre de Naples au moment même où Néron venait d'en sortir avec le peuple, après y avoir fait applaudir par la foule son talent de chanteur. Enfin, la première année du règne de Titus, 79° de l'ère chrétienne, arriva le terrible événement dont Pline le Jeune nous a conservé les détails et qui a fourni à un romancier anglais de notre temps le sujet d'un récit dramatique où les passions du cœur humain luttent de fureur sauvage avec les forces aveugles de la nature. Tout à coup les feux jaillissent de la montagne et font sauter le sommet qui, changé en lave, roule vers la mer en torrents brùlants, pendant qu'une cendre fine est portée par les vents jusqu'en Syrie et en Égypte, et que la fumée obscurcit jusque dans Rome la clarté du soleil. Herculanum, Retina, Oplonte, inondées d'un mélange de lave, d'eau et de cendres, qui les remplit entièrement et que le refroidissement fit durcir, demeurèrent ensevelies et comme pétrifiées sous une couche solide de plus de vingt mètres d'épaisseur. Plus épargnée, Pompéi fut seulement recouverte d'une couche de six à sept mètres de cendres et de pierres ponces nommées lapilli, qui tombèrent en pluie assez lente pour permettre à la plupart des habitants d'échapper à la ruine de leurs demeures.

Par un hasard singulier, Herculanum, malgré la profondeur de son enfouissement, fut la première découverte. Un boulanger, creusant un

1. Diodore de Sicile, IV, 24; V, 74.

2. De Architectura, II, 6.

3. Les derniers jours de Pompéi, par Bulwer.

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