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En ajoutant divers appendices aux lagènes, on peut changer leur forme et leur destination, et en faire de délicieux vases d'ornement; deux

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anses en bâtons rompus, un couvercle élevé, permettent de les employer à la place des potiches; avec un bec seulement, comme l'aiguière de la collection Signol, que nous figurons ici, ou avec un bec et une anse,

elles servent à contenir l'eau des ablutions ou les boissons chaudes. Nous avons vu chez M. Duc, architecte, des bouteilles conjuguées dont les cols entrelacés permettaient de verser successivement le liquide contenu dans chaque vase sans qu'un mélange pût s'opérer. Cette forme a été imitée dans les verreries européennes.

La gourde n'est qu'une lagène à double ou triple panse, et, pour

éviter les divisions, nous ne l'avons pas rangée dans les vases fructiformes, bien qu'on y retrouve l'imitation complète d'une cucurbitacée employée partout comme vase à boire..

Ainsi que nous l'avions annoncé, nous avons pu rattacher aux formes primitives réunies dans notre tableau les principaux vases créés en Orient et si bien accueillis chez nous; mais, malgré leurs variétés nombreuses, ces vases sont bien loin d'égaler l'imprévu et le caprice des nôtres, ce qui permet de renfermer chaque type chinois dans une grande unité nominale. En Europe, une fois sorti des dénominations barbares de pots à oille, légumiers, verrières, seaux à rafraichir, et autres expressions plus ou moins culinaires, on a dû confondre toute œuvre composée sous les singulières rubriques d'urnes ou pots-pourris.

Or, qu'est-ce qu'un pot-pourri? Sous quelle forme l'imagination peut-elle se représenter un vase désigné ainsi? En cherchant dans les anciens catalogues, il est facile de reconnaître sous ce nom diverses pièces tourmentées de galbe, ici brûle-parfums, là récipient à ouvertures multiples servant à recevoir des bouquets, ailleurs véritable urne destinée à enrichir l'ameublement. Pot-pourri ne veut donc rien dire par soi-même, et la définition des formes complexes est encore à créer tout entière. Ici encore, une méthode rationnelle peut simplifier la tâche, et nous essayerons de prouver, dans un prochain article, que la nomenclature proposée plus haut peut, en grande partie, satisfaire aux besoins d'une description exacte de toute composition céramique.

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LE LIVRE DES FEUX D'ARTIFICE

DE CLAUDE GELLÉE, DIT LE LORRAIN.

Tous les amateurs d'estampes anciennes savent l'excessive rareté des pièces de Claude le Lorrain, qui représentent les différentes phases d'un feu d'artifice officiel à Rome. Seuls, le British-Museun et notre Cabinet des estampes en possèdent la suite complète, et, lorsqu'il en paraît une épreuve isolée dans les ventes, elle y est vivement disputée. Il était évident qu'elles étaient détachées d'un livre; mais ce livre avait échappé jusqu'à ce jour aux recherches des bibliophiles, lorsque, il y a quelques mois, un hasard intelligent fit enfin surgir un exemplaire de cet ouvrage, qui paraît avoir été fait spécialement pour l'ambassadeur d'Espagne à Rome.

Voici le titre du volume: Descripcion- de las fiestas que el S marques de Castelrodrigo Embajador de España - Celebrò en esta Corte à la nueva del election de Ferdinando III-de Austria Rey de Romanos. Hecha por Miguel Bermudez de Castro. Au-dessous sont les armes d'Autriche gravées sur bois, et plus bas : En Roma - por Francisco Caballo, MDCXXXVII — con licencia de los superiores. Une jolie bordure encadre tout le frontispice.

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Au deuxième feuillet commence la Descripcion en vers espagnols de douze syllabes, et qui remplit huit feuillets. Le poëte y décrit toutes les fêtes qui eurent lieu pour cette élection, en commençant par le Te Deum qui fut chanté dans l'église del' Anima, décorée de riches tentures brodées d'argent, de peintures, etc., en présence de l'ambassadeur d'Espagne, des ducs de Savoie et de Mantoue, et d'autres grands personnages.

Pendant ces fètes, qui durèrent cinq jours, on fit partir trois grands feux d'artifice. Le premier jour, on incendia sur la place d'Espagne une grande machine qui représentait Atlas soutenant sur ses épaules le globe terrestre surmonté de l'aigle impériale, et qui en éclatant laissa voir le

globe semé d'étoiles'. Le lendemain, des comédiens espagnols que l'on avait fait venir de Naples représentèrent, en plein jour, une comédie et des ballets sur un théâtre élevé sur la même place. Le peuple y prit grand plaisir. On illumina les façades des palais, on tira force mortiers, et, le lendemain encore, redoublèrent les pétards, les tambours et les symphonies. Le mercredi, on joua une autre comédie en espagnol, et l'on entendit les mêmes orchestres et les mêmes salves d'artillerie.

Le dimanche suivant on construisit, toujours sur la place d'Espagne mais à une grande distance l'une de l'autre, deux grosses machines. Au milieu d'un massif de quarante-cinq palmes carrées s'élevait une forteresse de trente-quatre palmes, allusion au royaume de Castille; sur les quatre angles se dressaient un bastion et une tour crénelée au milieu; audessus des bastions on voyait l'Europe avec le cheval, l'Afrique avec le lion, l'Asie avec le dromadaire, l'Amérique avec le crocodile, tenant chacune à la main une couronne d'or qu'elles offraient à l'aigle qui dominait l'édifice. Sur les quatre façades de la forteresse étaient gravés huit quatrains en espagnol 2. L'autre machine, qui représentait Neptune 3, avait aussi des aigles et des quatrains; des quatre angles du soubassement jaillissaient des fontaines de vin où le peuple put s'abreuver à plaisir. Lorsqu'on y mit le feu, Neptune et les monstres marins qui les portaient vomirent tant de flammes, que l'on eût dit que la place elle-même s'embrasait. L'incendie de la Tour de Castille commença par quelques « feux badins,» puis les statues jetèrent des milliers de fusées, la forteresse et les bastions se couronnèrent de « toutes les étoiles du firmament, » et le fracas et la lumière devinrent tels que « l'Italie n'avait point de volcan comparable. »

Après cette description en vers espagnols (silvas), que nous compléterons plus loin, viennent un feuillet blanc et dix estampes, tirées deux à deux sur une feuille pliée par le milieu, avec une marge de plus de deux centimètres en haut et en bas, et d'un centimètre du côté extérieur.

La première planche ayant été décrite, nous dirons seulement que cet Atlas avait soixante-douze palmes de hauteur, et qu'il tournait le dos à la fontaine Barcaccia qui est en face de la grande Scalinata de Trinitá

4. Voir le Peintre-Graveur français de M. Robert Dumesnil, t. I, p. 32; nos 30 et 34 de l'œuvre de Claude le Lorrain.

2. Robert Dumesnil, no 32.

3. Robert Dumesnil, no 28.

4. Les diverses phases de ce feu d'artice ont été décrites par M. Robert Dumesnil dans les n° 32, 33, 34 et 35.

de Monti. Au fond on distingue une partie de la rue de Due Maccelli, et le palais Mignanelli qui communique avec un autre palais portant le même nom et un peu en retour de la vue du spectateur. A la droite est dessinée avec une grande exactitude la via delle Frate; de ce côté, et plus près de la machine, le collége de Propaganda dont la façade fait face à la place.

La planche suivante, qui représente l'explosion de la machine, est. gravée d'une pointe moins fine, et offre quelques variantes dans les toits des maisons, à l'angle de la salita de San Giuseppe a Capo la Case.

La hauteur du groupe de Neptune était de cinquante-quatre palmes. Le fond de cette estampe représente le côté de la place d'Espagne opposé à celui décrit ci-dessus; à main gauche, la strada del Bambuino, dans laquelle on distingue l'église dei Greci ; à droite et au fond, une ligne de maisons (parmi lesquelles on aperçoit la locanda de Serni), qui aboutit. à la salita de San Bastianello, rampe par laquelle on peut monter à la villa Médicis.

Dans la planche IV, on voit à gauche la via delle Frate, et à droite le collège de la Propagande, tandis que dans les planches V, VI, VII et VIII, on voit la rue de Due Maccelli.

La planche IX montre la statue équestre de l'empereur Ferdinand III, debout devant le collége de la Propagande, et restée isolée après l'embrasement successif des châteaux et des tours allégoriques de Castille qui la dérobaient aux regards. Des flambeaux posés sur les impostes marquent les deux étages du bâtiment.

Enfin, dans la planche X qui clòt la série, la statue sur son piédestal, poussée par des hommes cachés dessous, et escortée par des gardes, la hallebarde à l'épaule, et par des trompettes sonnant des fanfares, s'avance vers l'hôtel de l'ambassadeur d'Espagne, illuminé avec des écussons allégoriques. Celui-ci, debout sur le perron de sa porte, au milieu des serviteurs qui portent des torches, s'apprête à recevoir cet hommage. La façade de l'hôtel n'a guère varié depuis cette époque, sauf le petit balcon à jalousies qui se voit au coin de la strada Marguta. On voit au-dessus des fenêtres du premier étage les armoiries du pape Urbain VIII: trois abeilles écartelées, et celles d'Espagne.

A la suite de ces dix planches, l'ancien possesseur du volume a joint un autre texte en prose italienne dont voici le titre : Relatione delle feste fatte dall' excellentissimo signore - Marchese di Castello-Rodrigo ambasciatore della Maestà cattolica nella elettione di Ferdinando Terzo, Ré de Romani - al illustrissimo signore Giustino Landi. Cette relation prend huit pages; à la dernière sont la date, 10 febraro 1637, et le nom

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