Page images
PDF
EPUB

sonier sait, au besoin, disposer deux figures dans un paysage qui, lui-même, est un petit chef-d'œuvre de naïveté. Ces figures de femmes ne sont pas les seules dans les trente-quatre dessins que nous feuilletons, et, quoique l'on puisse parfois leur reprocher quelque roideur, elles ont le plus souvent des physionomies fines et des tournures accortes.

Le lieu et le temps auxquels se passent ces contes sont aussi fictifs que la fabulation elle-même. C'était une belle occasion pour M. Meissonier d'aborder, au moins dans quelques-uns, les sujets modernes. Son œuvre y eût puisé cette intensité de vie qu'on lui demande vainement. Laissons à Moreau, à Gravelot, à Eisen, aux moindres illustrateurs du XVIIIe siècle, les costumes et les meubles d'une société au milieu de laquelle ils vivaient. Un modèle à quatre francs la séance ne saura jamais porter l'habit pailleté avec l'impertinence d'un marquis, et les acteurs les plus illustres ne secoueront jamais de leur jabot le tabac d'Espagne avec le geste d'un petit abbé. Ce ne sera pas une des moindres gloires de M. Gavarni d'avoir croqué au passage l'allure réelle des dandies de 1830 à 1840. Chaque époque a sa poésie, et c'est l'honneur des vrais talents que de tenter de la dégager au lieu de l'abstraire dans des résurrections impossibles. Mais M. Meissonier est toujours le roi du petit royaume qu'il a presque inventé, et dont son talent sait reculer les limites idéales jusqu'à faire oublier le point de départ. Qui sait comme lui poser un chapeau-lampion et faire frétiller la queue d'une perruque sur le dos d'une veste de drap à boutons de métal?

[graphic][subsumed][merged small]

Toutes les éditions de ce livre ont été tirées avec le même soin. La cinquième est imprimée sur papier vergé, et si quelque amateur se plaignait d'avoir un tirage un peu gris, qu'il n'en accuse point les clichés, qui sont encore vierges de toute fatigue, mais bien le burin du graveur Lavoignat, qui a souvent plutôt égratigné ces bois délicats

qu'il ne les a entaillés. Plus les dessins étaient d'un faire précieux, plus il était nécessaire de simplifier le travail. Le bois ne doit point viser à imiter les fatigants chefsd'œuvre de Gratteloup.

[subsumed][merged small][merged small][graphic]

HISTOIRE DES FAÏENCES HISPANO-MORESQUES, par M. J.-C. Davillier. 1 vol. in-8° de 52 pages. Librairie archéologique de Didron,

Paris, 1861.

[ocr errors]
[ocr errors]

Un des points les plus obscurs de l'histoire de la céramique vient de s'éclairer d'un jour nouveau, grâce au travail que M. J. C. Davillier vient de publier sur ces faïences à reflets métalliques auxquelles l'on est habitué à donner le nom d'hispano-arabes. D'abord l'auteur propose de rectifier cette appellation que l'histoire contredit. Les Arabes, en effet, n'occupèrent l'Espagne que du VIIIe au XIIe siècle, époque à laquelle les Mores les remplacèrent, et les produits que nous connaissons sont tous postérieurs au XIIIe siècle. Arabes ou Mores, les ouvriers céramistes de la péninsule ibérique suivirent les mêmes traditions, et l'erreur n'est pas grande, mais toutefois elle existe, lorsque l'on donne le nom des premiers aux œuvres des seconds.

L'antériorité de la fabrication des poteries à émail opaque appartient, sans conteste, à l'Espagne, si l'on s'en rapporte aux dates que fournit l'histoire. C'est à l'année 1345 qu'appartiennent les carreaux émaillés de l'Alhambra, et c'est de cent années après, environ, que datent les premiers travaux de Luca della Robbia. Bien qu'il ne nous semble pas probable que le sculpteur florentin ait le premier, en Italie, appliqué l'émail sur la terre, nous ne croyons pas que des découvertes ultérieures puissent reculer de beaucoup l'époque du premier usage de l'émail stannifère dans les ateliers italiens. Aux

héritiers directs des traditions orientales, aux Arabes et aux Mores d'Espagne, revient donc le mérite de l'introduction en Europe de cette découverte si utile encore de nos jours, puisqu'elle permet à la faïence de lutter contre la porcelaine dans les usages de la vie domestique.

Maîtres de la fabrication de la faïence pendant tout le moyen âge, les Mores exportèrent dans toutes les contrées méditerranéennes les produits de leurs fabriques qui fonctionnaient à Malaga dès 1350, à Majorque en 1442, et à Valence, où, sous la domination romaine, des ateliers de poterie rouge étaient déjà établis. C'est à Valence que la fabrication des poteries à reflets métalliques dura le plus longtemps, jusqu'en 1640, entre les mains des ouvriers « morisques, » et c'est là que, de nos jours encore, un pauvre potier décore de reflets dorés quelques tasses grossières, destinées à transmettre au vin qu'on y déguste l'éclat de leurs feux.

Abondant en documents puisés à grand' peine dans les chartes, dans les récits des anciens voyageurs, le livre de M. J.-C. Davillier néglige un peu trop la question d'art. Il mentionne les pièces appartenant à chaque centre de fabrication et qui existent dans les collections publiques, et ce renseignement est excellent; il indique l'aigle tenant le Verbum inscrit sur une banderole comme caractérisant les produits de Valence; mais cela ne suffit pas. Il est des variations de décor que l'on remarque sur les faïences hispano-moresques dont nous ne trouvons point la mention. Tel est le semis de feuilles, en bleu lapis, qui semblent imitées de celles de l'érable? A quel atelier ou à quelle époque appartient-il? Est-il espagnol ou italien?

Enfin des planches, même au trait, eussent dû élucider ces questions et rendre complet un livre qui a demandé à M. J.-C. Davillier de longues recherches exposées avec ordre et lucidité.

A. D.

COMMENT FAUT-IL ENCOURAGER LES ARTS? par M. Louis Viardot. Paris, veuve Jules Renouard. 1861.

M. Louis Viardot, dans une brochure de format modeste, traite, avec une lucidité et un bon sens parfaits, cette question si souvent débattue par la société moderne. Pour affirmer tout d'abord au lecteur la solution qu'il a trouvée dans l'étude de l'histoire, il prend pour épigraphe ce délicat aphorisme de Platon : « L'art est un oiseau des bois qui hait la cage et ne peut vivre qu'en liberté. »

Nous ne pouvons mieux faire que renvoyer le lecteur à cette revue concise, mais énergique, de l'état des arts aux plus belles époques de la Grèce et de Rome, de l'Italie au xve siècle, de l'Espagne et de la France au XVIIe. M. Louis Viardot a résumé dans ces quatre-vingts pages tout le fruit de ses comparaisons sur l'indépendance des écoles, et de ses réflexions sur l'affaissement actuel des grands principes. Le dernier paragraphe de son excellent travail en contient toute la substance : « Je dirais aux ordonnateurs des beaux-arts: Imitez les Grecs; comme eux ne faites rien avant, faites beaucoup après; comme eux n'encouragez pas, récompensez. »

PH. B.

RÉCOMPENSES ACCORDÉES A LA SUITE DU SALON DE 1864.

OFFICIERS DE LA LÉGION D'HONNEUR. toire; Cavelier, statuaire.

CHEVALIERS.

Artistes étrangers.

[blocks in formation]

MM. de Knyff, peintre de paysage; Rodakowski, peintre d'histoire; Heilbuth, peintre de genre; Stevens (Joseph), peintre d'ani

maux.

Artistes français. MM. Vauchelet, Baudry, Pichon, peintres d'histoire; Fortin, peintre de genre; Breton, peintre de paysage; Antigna, Guillemin, peintres de genre; Mène, Maillet, sculpteurs; Lassalle, lithographe.

[blocks in formation]

Rappel des médailles de Are classe: MM. Breton, Pichon, Fortin; Mademoiselle Sarrazin de Belmont; MM. Baudry, Vauchelet.

[ocr errors]

Médailles de re classe: MM. Bonheur, Belly, Timbal, Quantin, Laugée, Hillemacher. Rappel des médailles de 2o classe MM. Tissier, Brion, Reignier, Van Moor, Courbet, Curzon, Fontenay, Gude, Verlat, Lanoue, Heilbuth, Rigo, Janmot, Richomme, Van Muyden, Lafond, Lenepveu, Madame Desportes.

Médailles de 2o classe: MM. Toulmouche, Bonnat, Merle, Achenbach, Deneuville, Schutzemberger, Desjobert, Caraud; Madame Brown; MM. Czermak, Puvis de Chavannes, Chazal.

Rappel des médailles de 3 classe: MM Baudit, Brendel, Devilly, Dumas, Knyff, Kuwasseg, Mazerolles; Mademoiselle Thévenin; MM. Vignon, Viollet-Le-Duc, Couturier, Luminais, Fichel, Ginain, Gratia, Faivre-Duffer; Madame Montvoisin; MM. Lecointe, Berchère.

Médailles de 3o classe: MM. Winne (L. de), Bertrand Beaucé, Gide, Magaud, Clément, Poncel, Aubert, Desgoffe, Jacque, Tourny, Duverger, Madarasz (Victor de), Michel, Armand-Dumaresq, Patrois.

Mentions honorables: 410 mentions ont été accordées.

Section de SCULPTURE.

Moreau, Mène.

Rappel des médailles de re classe: MM. Debay, ·

Médailles de Are classe: MM. Thomas, Crauck, Schonewerk, Cabet.

Rappel des médailles de 2 classe MM. Leharivel-Durocher, Gaston-Guitton, Merley.

Médailles de 2 classe: MM. Aizelin, Iselin, Delorme, Fabisch, De Conny, Oliva. Rappel des médailles de 3o classe: MM. Travaux, Varnier, Simyan, Perrey, Ponscarme, Rouillard.

Médailles de 3o classe: MM. Vidal (Louis Navatel, dit), Carrier-Belleuse, Fesquet, Dufresne, Valette, Felon, Francheschi, Davigne.

Mentions honorables: 32 ont été accordées.

SECTION D'ARCHITECTURE.

Médaille de Are classe: M. Hénard.

Médailles de 2e classe: MM. Devrez, Boileau père et Boileau fils.

Médailles de 3 classe: MM. Trochu, Kohler, Dominique.
Mention honorable: Une seule a été accordée.

SECTION DE GRAVURE ET DE LITHOGRAPHIE. · Rappel des médailles de 4oo classe : MM. Desmaisons, Lassalle, lithographes.

Médaille de Are classe: M. Girardet.

Rappel des médailles de 2o classe: MM. Bal, Eickens, Girard, Girardet, Mandel; Nanteuil, lithographe.

Médailles de 3e classe: MM. Wilmann, Bellay; Laurens, lithographe.

Rappel des médailles 3o de classe MM. Deroy, lithographe; Joubert, Jouannin, Jacque; Sirouy, lithographe; Varin.

Médailles de 3 classe: MM. Bertinot, Ballin, Desvachez, Schneider.

[blocks in formation]

Les récompenses accordées aux artistes à la suite de l'Exposition ont été d'un tiers plus nombreuses que les années précédentes. Nous ne comprenons point ce qui a pu motiver cette mesure. La quantité des médailles, sans parler des mentions honorables, était plutôt trop considérable qu'insuffisante, puisqu'un tiers, ou peu s'en faut, des artistes pouvant exposer sont médaillés. Et d'ailleurs, de l'avis de tous, le Salon de cette année était véritablement faible. M. le ministre d'État semble l'avoir compris, puisque dans son discours il a laissé entendre qu'à l'avenir les expositions pourraient être plus choisies, en étant même plus restreintes s'il le fallait. Loin d'être contraire à cette idée, nous y applaudissons. Nous voudrions voir les expositions, transformées en fêtes nationales, ne s'ouvrir que de loin en loin avec solennité. Nous désirerions que ce fût un véritable honneur que d'y avoir ses œuvres admises, une gloire de les y voir placées dans le salon central.

Quant à la loterie, qui est un encouragement d'une autre sorte, si les sentiments qui l'ont fait naître honorent ceux qui l'ont instituée, nous la regardons comme dangereuse, et nous regrettons que le gouvernement, par une faveur spéciale, y ait associé son nom. L'État ne doit point d'encouragement aux faibles, il ne doit de récompenses qu'aux forts. Loin d'épuiser ses ressources ou d'appeler les particuliers à favoriser des imitations dépourvues de correction, de grâce sérieuse et de noblesse, il doit concentrer toutes ses forces sur les œuvres vraiment belles. « Son devoir, nous dit Platon, est de rechercher ces artistes qu'une heureuse nature met sur la trace du beau et du gracieux, afin que, semblables aux habitants d'un pays sain, les jeunes guerriers, en voyant leurs œuvres, ressentent de toutes parts une influence salutaire, et que, recevant sans cesse en quelque sorte par les yeux l'impression des beaux ouvrages, comme un air pur qui leur apporte la santé d'une heureuse contrée, ils soient disposés insensiblement, dès leur enfance, à aimer et à imiter le beau, et à mettre entre eux et lui un parfait accord. » E. G.

Le Directeur: ÉDOUARD HOUSSA YE.

PARIS. J. CLAYE, IMPRIMEUR, RUE SAINT-BENOIT, 7.

« PreviousContinue »