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appréciations?" Nous sommes à Rome pour y couvrir de la protection de
nos armes la personne et le pouvoir du Saint-Père. Cette résolution, adoptée
par le Gouvernement qui a précédé le rétablissement de l'Empire, nous a été
commandée par des intérêts sur lesquels il serait superflu d'insister pour en faire
ressortir la puissance. En continuant d'occuper Rome aussi bien qu'en y envoy-
ant nos troupes, nous avons obéi à des nécessités que nous n'étions pas maîtres
de prévenir et auxquelles nous ne sommes pas libres de nous soustraire. ¶ Le
Gouvernement de Sa Majesté Britannique n'est dominé par aucune considération
semblable dans la questiou romaine, et il ne peut avoir à la discuter qu'un inté-
rêt en quelque sorte académique. Il le comprenait ainsi dès le principe,
comme l'atteste le langage des Ministres de la Reine aves les envoyés successifs
de la République à Londres. Lord Palmerston, alors secrétaire d'État pour les
affaires étrangères, reconnaissait sans difficulté la situation exceptionnelle de la
France à l'égard du Gouvernement de l'Église et les devoirs particuliers qu'elle
nous créait.
J'en retrouve la preuve dans ses entretiens avec M. Gustave de
Beaumont, dès la fin de novembre 1848, lorsqu'il fut question pour la première
fois, d'envoyer des troupes françaises à Civita-Vecchia. Lord Palmerston s'ex-
prima dans le même sens avec M. le baron Gros, pendant la mission qu'il rem-
plit à Londres au mois de janvier 1849. Le 23 avril, M. l'amiral Cécille résu-
mait ainsi qu'il suit les impressions du principal secrétaire d'État au sujet de l'ex-
pédition de Rome, qui était en voie d'exécution.

,,Le Gouvernement de la Reine, loin d'en concevoir de l'ombrage ou de l'inquiétude, y applaudit de toutes les façons: il pense que la présence de nos troupes dans les États-Romains déterminera probablement un mouvement de réaction analogue à celui qui vient d'avoir lieu en Toscane, avancera le terme de l'anarchie qui déshonore Rome et facilitera le rétablissement d'un gouvernement régulier."

Quelques semaines plus tard, le marquis de Lansdowne, dans un débat à la Chambre des Lords, tout en établissant que le Cabinet anglais n'avait pas conseillé l'expédition de Rome, déclarait qu'il n'avait nullement désapprouvé ce projet lorsqu'il lui avait été notifié. ¶ Appelé moi-même au mois de juillet à représenter la France près Sa Majesté Britannique, j'ai eu l'occasion de constater que son Gouvernement avait accepté dès le début, comme une nécessité qui nous était imposée, et suivant les expressions mêmes de lord Palmerston, comme une chose raisonnable, l'intervention française à Rome, et qu'il envisageait avec les dispositions les plus amicales pour la France les obligations comme les difficultés de notre tâche. ¶ J'ai appuyé mes souvenirs à ce sujet, Monsieur, sur des extraits de la correspondance de mon département que j'avais fait recueillir pour ma propre information. Je me suis d'ailleurs empressé de reconnaître, avec M. l'ambassadeur d'Angleterre, que le langage du Gouvernement anglais avait été accompagné de réserves formulées soit dans des communications diplomatiques, soit dans des discussions du Parlement. Ma pensée ne pouvait être de rechercher dans les entretiens des ministres anglais, en 1848 et 1849, des déclarations en désaccord avec les jugements qu'ils portent actuellement sur la présence des troupes françaises à Rome. „Je ne veux," ai-je dit à lord

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Frankreich,

1862.

No 489. Cowley,,,que rappeler le bon vouloir dont le Gouvernement de Sa Majesté Bri25. Nov. tannique se montrait alors animé envers la France, et je ne puis songer aux témoignages de mutuelle confiance que les deux pays se sont donnés depuis cette époque, aux grandes choses qu'ils ont accomplies ensemble, sans penser en même temps au droit que nous avons de compter aujourd'hui sur des sentiments pour le moins semblables de la part de l'Angleterre dans la question romaine.“ ¶ Rien, Monsieur, dans notre attitude ou dans nos actes n'a pu faire supposer au Cabinet de Londres que nos intentions ne soient pas toujours de mettre fin à l'occupation de Rome, dès que nous croirions pouvoir le faire sans nuire aux intérêts qui nous sont confiés. L'Angleterre ne désire pas plus sincèrement que nous de voir approcher le terme de notre intervention. En effet, quelle satisfaction autre que celle de l'accomplissement d'un devoir vient compenser nos sacrifices? Quel avantage particulier avons-nous à en recueillir, si ce n'est l'honneur de rester fidèles à la mission qui nous est échue? Quel intérêt légitime pourrait prendre ombrage d'une politique dont l'unique but est d'aplanir les difficultés qui nous maintiennent à Rome et d'y rendre la présence de nos troupes désormais inutile? Je n'ai pas, au reste, caché à M. l'ambassadeur d'Angleterre combien le plan suggéré dans la dépêche de lord Russell est loin d'offrir les garanties dont nous nous croyons obligés d'entourer la situation du SaintSiége avant de quitter Rome. Nous nous inclinons, nous aussi, devant l'autorité du principe de non-intervention; les maximes de l'Angleterre sont les nôtres ; nous comprenons de la même manière le respect dû à la souveraineté nationale. Le Gouvernement de l'Empereur en tire son origine et sa force, et le Souverain qui a si noblement embrassé la cause de l'indépendance de la Péninsule ne saurait assurément être soupçonné de vouloir méconnaître sur un point quelconque d'Italie les droits d'un peuple italien. Mais l'état de choses sur lequel nous raisonnons ne ressemble à aucun autre, et les règles ordinaires du droit public n'y sont pas applicables. Si notre position est exceptionnelle sous tous les rapports, certainement celle du Pape à l'égard de ses sujets ne l'est pas moins. Lorsque toute autorité se maintenait, en quelque sorte, par son propre prestige, les forces matérielles du Gouvernement pontifical suffisaient à assurer la tranquillité et la paix dans les États-Romains; mais le Saint-Siége a subi dans l'ordre temporel le sort réservé de nos jours aux autres gouvernements, et n'étant pas comme eux, par sa nature et son organisation, en état de proportionner ses moyens de défense à ces dangers, il a plus souffert qu'aucun autre de ces épreuves. A ces causes générales de faiblessse sont venus se joindre des désastres récents provoqués par le conflit des intérêts en Italie, et le Gouvernement du Saint-Père est aujourd'hui plus que jamais un pouvoir désarmé. ¶ Si les Romains se trouvaient dans un pareil moment appelés à décider de l'existence de ce pouvoir, l'expérience ne s'accomplirait pas dans des conditions propres à la rendre sincère, et il est trop facile de prévoir quel en serait le résultat. Ce dénoûment d'une longue crise pourrait-il être considéré comme une solution? Ne serait-ce pas plutôt l'origine de difficultés nouvelles, non-seulement pour l'Italie, mais pour tous les Gouvernements? Depuis quatorze ans, la question romaine est chez nous une préoccupation pour les consciences. Elle n'a agité qu'un seul instant les esprits en Angleterre, et le Cabinet anglais

a été à même de juger, par une récente expérience, des embarras qu'elle peut causer dans le monde entier, si elle n'aboutit pas à des arrangements propres à assurer l'indépendance du Gouvernement de l'Église et la paix religieuse. ¶ Estce à dire que la situation des Romains, au milieu des grands intérêts au sort desquels leur propre destinée est attachée, ne nous semble pas mériter une attention bienveillante? Nous sommes loin de le penser, le Cabinet de Londres le sait. Les efforts que le Gouvernement de l'Empereur a faits à plusieurs reprises, et auxquels il n'a point renoncé, pour provoquer toutes les améliorations administratives en rapport avec les besoins du temps sont la preuve de la constante sollicitude de Sa Majesté pour les sujets aussi bien que pour le Souverain. Oui, sans doute, le vœu des Romains en faveur des réformes rencontre des délais et des ajournements; mais Rome n'est pas le seul pays où de pareils retards répondent à des démarches analogues. Il existe certainement des contrées où les souffrances des populations sont plus réelles et plus dignes encore de la sympathie des Puissances chrétiennes. En s'associant à cet égard, dans toutes les circonstances graves, aux préoccupations des grandes Cours, le Gouvernement anglais n'a-t-il pas toujours pensé cependant que le degré de pression à exercer devait demeurer subordonné aux nécessités supérieures de l'ordre européen et de la paix générale? ¶„Mon intention n'est pas d'en faire un reproche au Cabinet de Londres," ai-je dit à lord Cowley en terminant; „nous lui demandons seulement de tenir compte de notre position quand nous-mêmes nous invoquons ici des considérations semblables. Pourquoi, d'ailleurs, les deux Puissances ouvriraient-elles une controverse sur la question romaine? Pourquoi rechercheraient-elles un débat sans utilité, pratique qui n'aurait pour effet que de provoquer la manifestation publique d'un dissentiment, alors que tant de grands intérêts se recommandent à leur attention sur tous les points du globe et leur conseillent de maintenir entière l'harmonie de leurs rapports?" ¶ Tel est, Monsieur, le sentiment qui m'a dirigé dans cet entretien, et je me flatte de la confiance qu'il aura pleinement justifié auprès du Gouvernement de Sa Majesté Britannique la franchise de mon langage. Vous auriez à vous en inspirer, de votre côté, dans le cas où lord Russell ferait allusion avec vous à sa dépêche du 31 octobre, sans toutefois prendre vous-même à cet effet aucune initiative.

A Mr. le Marquis de Cadore, etc., Londres.

Drouyn de Lhuys.

No. 489.

Frankreich,

25. Nov.

1862.

FRANKREICH.

No. 490.

Gesandterin Turin a. d. kaiserl. Min. des Ausw. über den neuen italien. Minister d. Ausw., Grafen Pasolini.

Auskunft

la

No. 490 Frankreich.

Turin, le 10 décembre 1862. Monsieur le Ministre, le roi a complété hier le nouveau cabinet par nomination de M. le comte Pasolini comme Ministre des Affaires étrangères. 10. Dec. ¶Le comte Pasolini fut également ministre du Pape dans le cabinet du comte Rossi. Rallié au Gouvernement du Roi lors de l'annexion des Romagnes, son

Staatsarchiv IV. 1863.

4

1862.

No. 490 pays, il fut nommé préfet à Milan, puis à Turin, où il jouit d'une grande considération.

Frankreich, 10. Dec. 1862.

A Mr. Drouyn de Lhuys, etc., Paris.

Sartiges.

Nr. 491.

No. 491. Frankreich,

1862

FRANKREICH.

Gesandter in Turin a. d. kaiserl. Min. des Ausw.
Stellung des neuen italien. Cabinets zu Frankreich betr.

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Turin, le 10 décembre 1862.

[Extrait.] Monsieur le Ministre, je ne pense pas que, malgré la couleur 10. Dec. qui est attribuée aux membres influents du nouveau cabinet, les rapports du Gouvernement italien avec le Gouvernement de l'Empereur puissent en être, en quoi que ce soit, modifiés. M. Ricasoli, dès le premier jour, a bien voulu me le dire et son langage a été identique à celui de M. Rattazzi. Les amis du baron Ricasoli restent comme lui reconnaissants à la France des sacrifices qu'elle a faits pour l'Italie; ils sentent qu'ils ne peuvent marcher en avant sans elle, à plus forte raison malgré elle; que, sans une solution honorable pour tous les partis, l'Empereur ne peut pas retirer ses troupes de Rome. Pour moi, je me borne pour le moment à répéter ce que Votre Excellence a écrit en toutes lettres dans sa réponse au général Durando, qu'elle accueillera avec empressement toute proposition qui permettrait d'en arriver à une solution honorable et équitable de la question romaine; que l'on nous trouvera disposés à croire aux dispositions amicales du nouveau Cabinet, en attendant ses actes.

A Mr. Drouyn de Lhuys, etc., Paris.

Sartiges.

No. 492. Frankreich, 12. Dec. 1862.

FRANKREICH.

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No. 492.

- Botschafter in Rom an d. kaiserl. Min. d. Ausw. über seinen ersten Besuch beim Cardinal Antonelli.

Bericht

Rome, le 12 décembre 1862.

Monsieur le Ministre, j'ai fait ce matin ma première visite au cardinal Antonelli: l'accueil de Son Éminence a été plein d'empressement et de cordialité. Il y avait près de dix ans que je n'avais pas vu le cardinal Antonelli; la conversation s'est naturellement engagée tout d'abord sur les événements qui se sont succédé en Italie depuis l'époque où j'ai quitté Rome, et qui ont exercé sur la situation du Saint-Siége une influence si considérable. Les appréciations du cardinal Antonelli ont été, je m'empresse de le dire, marquées au coin de la modération et de la convenance la plus grande; plusieurs fois, dans le cours de notre entretien, le cardinal, qui m'avait dès le début demandé avec intérêt des nouvelles de la santé de Leurs Majestés l'Empereur et l'Impératrice, ainsi que du Prince Impérial, s'est plu à rendre hommage aux dispositions bienveillantes que l'Empereur n'avait cessé de témoigner au Saint-Siége, et dont le Saint-Siége aimait à voir une con

1862

firmation nouvelle dans la rentrée de Votre Excellence au Ministère des affaires No. 492. Frankreich, étrangères. ¶,,Il est bien certain, a ajouté le cardinal, que c'est à la protection 12 Dec. de la France que le Saint-Père doit d'être encore à Rome, et Sa Sainteté, croyezle, conserve, malgré toutes les difficultés de sa position et toutes les tristesses qui accablent son âme, les sentiments de la plus profonde reconnaissance pour Sa Majesté." Le langage du cardinal secrétaire d'État a été, en un mot, ce que je devais souhaiter qu'il fût. Je n'ai pu d'ailleurs, dans cette première entrevue, qu'effleurer les questions qui préoccupent à si juste titre en ce moment l'opinion. Je me suis cependant particulièrement attaché à ne rien dissimuler aux yeux de Son Éminence de la gravité et des difficultés de la situation, et enfin de l'impérieuse nécessité pour le Saint-Père comme pour tout autre, quand il s'agit du gouvernement des choses temporelles, de s'inspirer des conseils de la prudence et de la modération. Il m'a semblé que le cardinal comprenait luimême cette nécessité; en tous cas, il s'est montré personnellement très-désireux de nous témoigner, dans la mesure du possible, sa bonne volonté. ¶ Son Éminence m'ayant proposé, d'après l'ordre du Pape, de ne pas attendre pour remettre à Sa Sainteté mes lettres de créance que je fusse en mesure de me rendre, selon l'usage, en grand gala au palais du Vatican, je vais demander à être admis à accomplir en audience privée cette formalité.

Prince de la Tour d'Auvergne.

A Mr. Drouyn de Lhuys, etc., Paris.

No. 493.

--

FRANKREICH. Min. d. Ausw. an den kaiserl. Botschafter in Rom. Die römische Frage betr.

Paris, le 13 décembre 1862.

Frankreich, 13. Dec.

1862.

Prince, après ce que l'Empereur a bien voulu vous dire lui-même et les No. 493. entretiens que j'ai eus avec vous au sujet des affaires de Rome, je n'ai pour le moment rien d'essentiel à ajouter aux instructions que j'ai remises à M. de Lallemand le 31 octobre *) dernier, et auxquelles je vous prie de vous référer. ¶ Les intérêts dont nous avons à tenir compte en Italie sont complexes, mais ils ne sont pas absolument incompatibles, comme affectent de le croire les partis extrêmes à Rome aussi bien qu'à Turin. Si donc notre tâche est difficile, si elle exige peut-être de longs et patients efforts de la part du Gouvernement de l'Empereur et de ses agents, il nous est permis d'espérer que ces efforts ne demeureront pas infructueux. Il est certain, dans tous les cas, qu'il est de notre intérêt aussi bien que de notre honneur de les tenter jusqu'au bout, et pour ce qui vous concerne, je m'en remets entièrement à la sûreté de vos appréciations et à la connaissance que vous avez du terrain sur lequel vous allez vous trouver placé. Vous ne négligerez rien, j'en suis d'avance assuré, pour éclairer le Gouvernement de Sa Majesté sur les intentions et les résolutions éventuelles de la Cour de Rome, et pour faire comprendre à cette Cour elle-même ce que nous nous *) No. 488.

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