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1862.

No. 585. cherche exclusivement, en ne laissant d'autre alternative aux deux parties en Russland, 28. Sept./10. Oct.présence qu'une lutte d'extermination réciproque, et d'autre rôle aux grandes Puissances de l'Europe que de se diviser en appuyant, selon leurs vues particulières, les unes des répressions à outrance de la part de la Porte, les autres des aspirations passionnées de la part des populations chrétiennes. ¶ A notre avis, cette solution doit plutôt être cherchée dans les voies de la conciliation mieux appropriées aux intérêts en conflit et aux besoins de notre époque. La conservation de l'empire ottoman est pour nous, comme pour toutes les grandes Puissances, un principe essentiel d'équilibre européen. Mais en présence des éléments de désordre et de lutte légués à ces contrées par les siècles passés, un pareil résultat ne saurait être atteint d'une manière solide et durable que par un système de Gouvernement qui tendrait à concilier au sultan l'affection et la reconnaissance de ses sujets chrétiens, en donnant à leurs besoins et à leurs voeux une satisfaction légitime, et en les dotant à cet effet des conditions d'existence indispensables à une vie sociale heureuse et prospère. ¶ Sous ce rapport, nous accueillons avec plaisir l'assurance de lord Russell que le Gouvernement de Sa Majesté Britannique désire sincèrement l'amélioration du sort des sujets chrétiens du sultan. ¶ C'est là en effet la voie que nous n'avons pas cessé de recommander, comme la seule qui puisse conduire à l'affermissement et à la prospérité de l'empire ottoman dans des conditions compatibles avec les traités existants comme avec les sympathies, les convictions et les intérêts généraux de l'Europe. C'est également dans ce but que nous n'avons pas cessé de convier les grandes Puissances à un accord qui, en écartant tous les calculs fondés sur leur rivalité politique, aurait exercé une salutaire influence, d'un côté sur les chrétiens en leur inspirant confiance et espoir, de l'autre sur le Gouvernement turc en le fortifiant dans les bonnes intentions manifestées à plusieurs reprises par sa Majesté le sultan. Nous avons la conviction que si nos conseils avaient été écoutés, ils eussent prévenu les calamités qu'on a aujourd'hui à déplorer. Nous ne voulons pas porter un jugement trop sévère sur les actes du Gouvernement ottoman. Nous savons qu'il a à lutter avec de grandes difficultés, et nous sommes tout disposés à lui tenir compte de ses moindres efforts. Mais nous devons aussi reconnaître que des faits tels que la guerre qui vient de s'accomplir en Herzégovine et dans le Monténégro, ou le bombardement d'une cité sans défense, ne sout pas les moyens qui peuvent conduire au but désiré. Ce sont précisément ces mesures violentes qui, en exaltant à la fois les prétentions des vainqueurs et les ressentiments des vaincus, amènent les choses à un point où il n'y a plus de recours possible qu'à la force, et plus de solution que l'une ou l'autre des deux extrémités signalées par lord Russell. C'est parce que nous croyons qu'un pareil résultat n'est conforme ni à l'intérêt des chrétiens, ni à celui du Gouvernement turc, ni à celui des grandes Puissances de l'Europe, que nous persistons à recommander aux premiers la prudence, au second la modération, aux dernières le bon accord qui peut seul donner à leurs conseils l'autorité nécessaire, ¶ Le jour où le Gouvernement de Sa Majesté Britannique voudra entrer dans cette voie de conciliation, vous pouvez l'assurer qu'il nous trouvera à ses côtés, pourvu toutefois qu'il ne se renferme pas dans un optimisme que nous ne pourrions pas partager, et qu'il consacre avec

No. 585. Russland,

1862.

nous ses efforts à ramener les populations chrétiennes à la confiance par le sentiment réel d'une amélioration pratique. Quant à l'éloignement exprimé par 28. Sept./10. Oct. lord Russell, à la fin de sa dépêche, pour toute coopération à des intrigues criminelles tendantes à la dissolution des liens d'obéissance des sujets envers le souverain et au renversement de toute monarchie en Europe, nous prenons acte de cette assurance avec une sincère satisfaction, et je n'ai pas besoin d'ajouter qu'elle rencontrera toujours la plus complète adhésion de la part du cabinet impérial. ¶ Votre Excellence est autorisée à donner lecture et à laisser copie de la présente dépêche à M. le principal secrétaire d'État de Sa Majesté Britannique. Recevez, etc.

A S. E. Mr. le Baron de Brunnow, etc., Londres.

No. 586.*)

Gortchakow.

FRANKREICH. - Min. d. Ausw. a. d. kaiserl. Botschafter in London. - Vorschlag, von Russland die Wiederherstellung Polens in Gemässheit der Verträge von 1815 zu verlangen.

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Paris, le 26 mars 1855.

Monsieur le Comte, par les notes de Vienne et par le traité du 2 décembre, les Puissances alliées se sont expressément réservé la faculté de mettre des conditions particulières au rétablissement de la paix, en sus des quatre garanties qui doivent en former la base. Ces conditions supplémentaires auraient le même but d'intérêt européen que les garanties elles-mêmes et concourraient à consolider les résultats acquis. Si tel doit être, en effet, le caractère essentiel des clauses additionnelles que nous aurons le droit de formuler, il en est une qui me paraîtrait parfaitement répondre à l'objet que nous nous sommes proposé. Nous avons pris les armes pour interdire à la Russie l'interprétation abusive de ses traités avec la Porte. Mais ces traités ne sont pas les seuls dont nous fussions autorisés à reprocher l'infraction à cette Puissance. Des arrangements plus généraux, auxquels l'Europe a souscrit comme nous, ont été violés par le Gouvernement russe. Comme nous, l'Europe a déploré l'atteinte qu'ils ont subie et elle ne pourra, nous le croyons, qu'applaudir à nos efforts pour obtenir le redressement de griefs qui sont aussi les siens. Deux grandes questions de territoire occupèrent les Puissances représentées au congrès de Vienne en 1814: celle de la Saxe et celle de la Pologne. Les voeux de la France n'étaient pas douteux, et il est de notoriété que l'Angleterre les partageait. Si l'Autriche ne défendit pas le maintien du duché de Varsovie avec autant de fermeté que l'existence du royaume de Saxe, elle resta cependant unie aux Cabinets de Paris et de Londres, afin de résister aux prétentions qui s'étaient coalisées pour l'incorporation sans reserve de la Saxe dans la Prusse et de la Pologne dans la Russie. Les conditions qui furent faites à l'empereur Alexandre, quand l'Europe consentit à la réunion de la plus grande partie du duché de Varsovie à l'empire russe

*) Vergl. Bd. I. No. 85-99; Bd. II. No. 298-300.

No. 586. Fankreich, 26. März 1855.

Frankreich,

No. 586. sous le nom de Royaume de Pologne, avaient donc un caractère strictement 26. März obligatoire. Elles constituaient pour les Cabinets une compensation nécessaire

1855.

à une acquisition qui donnait à la Russie des positions formidables au coeur de l'Europe centrale. Ces obligations contractées par Alexandre Ier et inscrites dans les traités de Vienne, l'empereur Nicolas s'en est délié en 1831, sans tenir compte des protestations de la France et de l'Angleterre. ¶ Pour notre part, Monsieur le Comte, nous nous croyons pleinement fondés à rappeler aujourd'hui ce souvenir. Si la France a accepté et respecté scrupuleusement, dans leurs stipulations les plus onéreuses pour elle, les traités de 1815, elle avait le droit d'espérer qu'ils seraient de même observés, d'autre part, dans les dispositions qui pouvaient lui être favorables. L'Empereur, en se déclarant, à cet égard, solidaire des Gouvernements qui ont précéde le sien, et résolu à tenir les engagements qu'ils lui ont légués, n'a pas renoncé au bénéfice des protestations qu'ils ont fait entendre lorsque ces engagements ont été méconnus par la Russie. Nous ne doutons pas que l'Angleterre, qui s'est associée naguère à ces protestations, ne reconnaisse la légitimité et l'opportunité des démarches que nous pourrions faire en commun dans les conférences pour obtenir sur ce point la satisfaction qui lui est due comme à nous, et que l'opinion anglaise a toujours réclamée avec une si grande énergie. D'autre part, les Cabinets allemands sont assez éclairés aujourd'hui sur le danger des agrandissements démesurés de la Russie pour apprécier les avantages européens du rétablissement des traités qui lui interdisent de posséder le royaume de Pologne autrement que comme un État distinct. Quand la question a été soulevée en 1831, personne n'a cru devoir troubler la paix pour demander une réparation immédiate; aucun Gouvernement n'a rien fait depuis pour créer une situation qui pût, au prix du repos général, fournir l'occasion de l'exiger; mais puisque la Russie elle-même a de plein gré rompu cette paix au maintien de laquelle nous avions sacrifié de justes griefs, puisqu'elle nous a forcés à prendre les armes pour empêcher de sa part une nouvelle violation du droit, le moment nous semble venu de se rappeler les engagements qu'elle avait pris avec l'Europe relativement au royaume de Pologne, et dont elle s'est affranchie.

La faculté de poser des conditions particulières nous permettrait d'introduire au moment opportun cette légitime prétention dans les conférences de Vienne. Je désirerais savoir si lord Clarendon partage notre opinion sur l'intérêt qu'aurait la remise en vigueur des arrangements dont il s'agit pour la stabilité même de la paix future. Je vous invite donc à pressentir et à me faire connaitre quelles sont à ce sujet les dispositions du principal secrétaire d'État. Agréez, etc. Drouyn de Lhuys.

A Mr. le Comte Walewski, Londres.

No. 587.

--

FRANKREICH. Botschafter in London a. d. kaiserl. Min. d. Ausw. Die
Ablehnung des vorstehenden französischen Vorschlags Seitens des engl.

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No. 587. Frankreich,

1855.

Monsieur le Ministre, j'ai entretenu le principal Secrétaire d'État du contenu de la dépêche de Votre Excellence, sous la date du 26. mars. J'ai fait remarquer 28. März que si, dans une négociation européenne ayant pour but le rétablissement de la paix avec la Russie, il n'était nullement fait mention de l'infraction aux traités dont le Gouvernement russe s'était rendu coupable en assimilant le Royaume de Pologne à l'empire de Russie, infraction contre laquelle nous avions protesté, on pourrait considérer notre silence comme une sanction implicite et comme une renonciation à nos protestations précédentes. Le principal Secrétaire d'État a reconnu toute la valeur de cette observation, et il a admis qu'en temps opportun il serait désirable de faire quelque démarche de nature à corroborer l'opinion exprimée précédemment par la France et l'Angleterre sur la conduite tenue par la Russie envers la Pologne en 1831; mais lord Clarendon, à son tour, m'a fait observer que, dans ce moment, toute tentative ayant pour but d'amener la Russie à remettre les choses en Pologne sur le pied où elles étaient avant 1830 serait inopportune et pourrait avoir des conséquences regrettables. Il ne pense pas d'abord que nous puissions équitablement comprendre l'importante question dont il s'agit dans les conditions particulières que nous nous sommes réservé la faculté de poser en sus des quatre garanties; que s'il se trompait à cet égard, il n'en restait pas moins convaincu qu'en essayant de le faire, nous nous attirerions de la part du Cabinet de Saint-Pétersbourg une réponse peu mesurée et de nature à rompre brusquement les négociations. Lord Clarendon ne doute pas que les plénipotentiaires russes ne soient très-empressés de saisir un semblable motif de rupture dans l'espoir d'y trouver le moyen de nous séparer de l'Autriche et d'ameuter contre nous l'Allemagne. Mais le principal Secrétaire d'État m'a répété que si une initiative à ce sujet lui paraissait impolitique et impraticable en ce moment, elle pourrait devenir admissible et même très désirable dans une autre circonstance, et qu'alors il serait tout disposé à s'entendre avec le Gouvernement de l'Empereur sur la meilleure marche à suivre et la meilleure forme à adopter en vue de remettre sur le tapis cette importante question. Veuillez ¶ agréer, etc.

A M. Drouyn de Lhuys, etc., Paris.

Walewski.

No. 588.

FRANKREICH. - Min. d Ausw. a. d. kaiserl. Botschafter in London. Die
Nothwendigkeit, von Russland die Wiederherstellung Polens zu ver-

langen, betr.

Paris, le 15 septembre 1855.

No. 588. Frankreich,

1855.

Monsieur le Comte, cette dépêche a pour but d'appeler votre attention 15. Sept. et de vous engager à fixer celle du Gouvernement de S. M. Britannique sur une question qui excite, à juste titre, la sollicitude de l'Empereur, et à laquelle le Cabinet de Londres ne prend sans doute pas moins d'intérêt. Il s'agit de la Pologne.. Je n'en parlerai que dans la mesure pratique du possible et à un point de vue qui, j'aime à le croire, aura l'assentiment du Gouvernement anglais. ¶ Au moment où les glorieux succès des armées alliées semblent autoriser l'espérance de voir se rapprocher le terme de la guerre, et lorsqu'en vertu des principes de désintéressement et de loyauté, si hautement proclamés par la France et l'Angleterre dès le début de la lutte, le rétablissement de la paix devra n'apporter aucun changement à l'ensemble des circonscriptions territoriales consacrées par les traités de Vienne de 1815; en ce moment, dis-je, le Gouvernement de l'Empereur, en rappelant avec quel respect scrupuleux la France a constamment observé ces traités, si onéreux pour elle, se croit justement fondé à demander que d'autres Puissances, pour qui leurs stipulations n'étaient pas moins obligatoires, soient tenues de les respecter et de les exécuter avec la même fidélité. ¶ Parmi ces stipulations, l'article 1er du traité de Vienne du 9 juin 1815, en prononçant la réunion du duché de Varsovie à l'empire de Russie, régla qu'il y serait lié invariablement par sa constitution, sous le nom de Royaume de Pologne. Ce n'était là, sans doute, qu'une réparation bien incomplète de l'injustice des partages qui ont anéanti la Pologne. Toutefois, c'était un hommage rendu par la Russie au principe indélébile de la nationalité polonaise; et le Royaume de Pologne, avec sa constitution, avec son administration distincte et son armée toute nationale, possédait en réalité des garanties qui manquaient aux autres provinces démembrées. Ces garanties, et l'ordre de choses qu'elles avaient pour but de protéger, ont disparu en 1831, après la répression de l'insurrection de la Pologne, sous l'influence d'une politique réduite à s'imposer par la force. Contrairement à des promesses et à des assurances formelles de l'empereur Nicolas, le Royaume de Pologne, incorporé à la Russie, n'a plus été qu'une province de cet empire. Les traités qui en avaient constitué l'existence politique étaient ouvertement méconnus. Et cependant celui du 9 juin 1815 était alors, comme aujourd'hui, un acte essentiellement européen, par lequel toutes les parties contractantes sont liées virtuellement l'une envers l'autre, et chacune d'elles envers toutes. Ni le soulèvement de la Pologne, ni le triomphe de l'armée russe sur les insurgés n'avaient pu, sous aucun rapport, et à aucun titre, dégager la Russie de ses obligations à l'égard des États avec la participation et sous la garantie desquels ce traité fut signé. La France et l'Angleterre réclamèrent contre une telle infraction au droit public de l'Europe; et si, dans

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