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Les dimensions de ces planches gravées, d'une largeur de 50 cent. sous les marges, permettront de juger ces compositions superbes, jusqu'à présent inconnues de ceux qui ne peuvent voyager; elles formeront un des recueils les plus curieux qui aient été publiés jusqu'ici.

La Résurrection des morts et le Paradis, d'après Signorelli, déjà terminés, nous font bien augurer de cette publication. M. François Cerroti, conservateur de la bibliothèque Corsini, s'est chargé d'écrire le texte qui accompagnera les gravures. Les deux planches que nous avons sous les yeux ont été dessinées par M. Pasqualoni, et gravées, la première par M. Carocci, la seconde par M. Hufer, dans le goût de ces artistes allemands, qui semblent avoir une prédilection pour l'art du xiv siècle. Elles rendent, incontestablement beaucoup mieux les qualités de Signorelli, ce grand maître si peu connu en France, que toutes les estampes faites jusqu'à présent d'après lui.

M. Brognoli, non satisfait de mener à bonne fin une entreprise si difficile, a, en outre, dessein de faire suivre cet ouvrage de la reproduction des Stances de Raphaël. Ces chefs-d'œuvre n'avaient encore été traduits entièrement dans de grandes dimensions, si nous ne nous trompons, que par Volpato, dont les estampes ne satisfaisaient plus les amateurs, devenus difficiles. Si le dessin fait par M. Severati trouve dans le graveur un interprète fidèle, 'ce dont nous ne doutons point, nous pourrons bientôt conserver dans nos cartons la représentation vraie de ces pages sublimes.

E. G.

ART DÉCORATIF. Ornements, vases et décorations, d'après les maîtres, gravés par A. Péquégnot. - Paris, 1860; 3° vol.

Nous devons signaler aux lecteurs de la Gazette des Beaux-Arts le 3 volume de cette intéressante et utile publication, éditée, avec une louable persévérance, par l'artiste lui-même. Nous y reviendrons un jour plus à loisir, pour en faire ressortir les qualités artistiques; mais nous dirons dès aujourd'hui que M. A. Péquégnot s'est donné pour tâche de reproduire, avec toute l'exactitude possible, des ornements choisis parmi les maîtres de toutes les époques et de toutes les écoles. C'est ainsi que nous trouvons dans ce volume des cheminées par Jean Lepautre, Jean Marot, Blondel et Canu (époque Louis XVI), des arabesques, par J. d'Udine, des fleurs d'après Ranson, une figure d'après le Primatice, et des panneaux décoratifs d'après Simon Vouet. Citons encore les noms de Huet, Dieterlin, Cauvet, de La Fosse, Toro, Saly, Parijean, Hutin, et l'Allemand Altdorfer.

Ces volumes sont composés chacun de 50 planches sur papier quasi colombier. Le ministère d'État (section des Beaux-Arts) y a souscrit, ainsi que les manufactures de Sèvres, des Gobelins, le Conservatoire des arts et métiers, et les musées de province, entre autres celui d'Orléans. En effet, ces reproductions intelligentes et fidèles popularisent à peu de frais des matériaux indispensables aux artistes industriels, qui s'astreignent aujourd'hui à reproduire sincèrement le style précis d'une époque, et offrent d'excellents modèles aux jeunes élèves des écoles. Рн. В.

L'Académie des inscriptions et belles-lettres, dans sa séance du vendredi 3 février 1860, a procédé à l'élection d'un membre en remplacement de M. Lenormant, décédé. Elle a élu M. Beulé, l'auteur de l'Acropole d'Athènes, des Monnaies d'Athènes, et d'autres ouvrages également appréciés des savants et des amis des arts. Les belles dé

Couvertes récemment faites à Carthage par M. Beulé ne le désignaient pas moins aux suffrages de l'Académie.

cours

Le nouvel académicien a rouvert, le mardi 6 février, à la Bibliothèque, son d'archéologie. Il a pris cette année pour objet de ses leçons l'histoire de la peinture chez les anciens. Heureux dans tout ce qu'il entreprend, le jeune et savant professeura eu le bonheur de retrouver un discours de Périclès sur l'art dont il se propose de parler, et, à sa première leçon, il l'a traduit pour ses auditeurs. Cette lecture a produit sur eux le plus grand effet.

- On voit en ce moment, exposés dans la salle de l'école des Beaux-Arts, les moulages d'admirables sculptures, dernier envoi adressé de Grèce à l'école par M. Charles Lenormant, avant ce fatal voyage à Épidaure, qui devait lui coûter la vie.

Le premier de ces moulages est un bas-relief de grande dimension, retrouvé dans le courant de l'année dernière près de l'église de Saint-Zacharie, parmi les ruines d'Éleusis, à l'endroit même où, d'après les conjectures de M. Ch. Lenormant, devait se trouver le temple de Triptolème, mentionné par Pausanias. Le sujet du bas-relief confirme cette hypothèse; il représente en effet Triptolème debout entre Cérès et Proserpine, recevant, de la déesse des moissons, le premier grain qu'il doit confier à la terre. L'élégance et la force réunies dans le corps du jeune héros, la majestueuse beauté de Cérès, le charme idéal de la figure de Proserpine, une des plus ravissantes qui soient sorties du ciseau grec, font de ce bas-relief un exemple achevé de la plus belle époque de l'art. On voit à côté une tête colossale de Neptune, trouvée en même temps sur le même emplacement; malgré les mutilations qu'elle a souffertes, elle frappe encore par un air de grandeur et de puissance; mais les maçons, qui ont retrouvé cette tête en creusant les fondations d'une école communale, l'ont malheureusement encastrée dans un des murs du bâtiment qu'ils ont construit, de telle sorte que, la moitié de la tête étant enfouie dans la maçonnerie, il n'a été possible de mouler que la partie de la face qui se détache du mur.

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Nous reviendrons sur ce sujet plein d'intérêt, en offrant à nos lecteurs des dessins exécutés d'après ces moulages. Il est probable que des fouilles nouvelles feront retrouver, parmi l'amas énorme de ruines qui couvre l'emplacement de l'antique Éleusis, d'autres morceaux dignes de ceux dont on voit la reproduction exacte à l'école des Beaux-Arts.

-Des fouilles faites à Néris-les-Bains (Ardèche), pour l'agrandissement de l'hôpital, ont fait découvrir trois magnifiques cariatides d'un mètre carré au moins de dimension; elles faisaient partie d'une frise, ainsi que le prouve le rebord taillé à encadrement.

L'une de ces cariatides offre la tête de Jupiter Olympien, l'autre celle de Junon, et la troisième, parfaitement conservée, est l'allégorie de la Douleur, la tête penchée sur

une main qui laisse échapper l'urne lacrymatoire. Cette dernière figure, plus grande que nature, est très-remarquable d'expression.

Quelques jours plus tard, une statue antique de Vénus, du plus beau style, a été encore trouvée, non loin du même endroit. Nous reviendrons sur ces découvertes.

-Jeudi matin a eu lieu, à Saint-Philippe-du-Roule, l'inauguration de la chapelle de la Sainte-Vierge, annexée à cette église en 1840 et dont la restauration a été dirigée par M. Baltard, architecte de la ville de Paris. Les peintures murales sont dues à M. Claudius Jacquand.

- Un incendie considérable qui a éclaté aux Andelys, dans la nuit du 6 au 7 février, a entièrement détruit le Palais de Justice de cette ville. C'est là, on s'en souvient, que se trouvait le tableau de Coriolan du Poussin; nous nous empressons d'annoncer que ce tableau a été heureusement retiré de l'édifice avant que l'embrasement ne devint général.

- On vient de placer dans les galeries du musée de Versailles, au rez-de-chaussée de l'aile du nord, dans la dernière des salles consacrées à l'histoire de France, un grand tableau de Noël Hallé, représentant les magistrats de la ville de Paris recevant la nouvelle de la paix, en 1763.

L'Académie des beaux-arts de Florence, fermée depuis de longues années, a été solennement rouverte le 22 janvier dernier.

La maison de Michel-Ange, située via Ghibellina, à Florence, est, comme on sait, un musée rempli ̧ de chefs-d'œuvre laissés par le sculpteur à sa famille. Le conseiller Buonarotti, un de ses descendants, a légué, dit la Correspondance littéraire, cette maison et son contenu à sa ville natale. Sur l'opposition des héritiers, le gouvernement provisoire toscan a transigé avec eux, moyennant la somme de 4,000 écus (22,000 fr.), et est devenu définitivement possesseur d'une inestimable collection. On vient, en effet, d'y découvrir des trésors sur lesquels on ne comptait pas, c'est-à-dire des œuvres inédites, en vers et en prose, du statuaire, ainsi que de nombreuses et intéressantes lettres de quelques-uns de ses plus illustres contemporains.

Les murs de la galerie qui conduit au vestibule de la chambre des lords, au palais de Westminster, sont divisés en compartiments destinés à recevoir des peintures à fresque exécutées sur ardoise. On vient, récemment, de mettre en place une grande fresque de Cope, représentant les Adieux de lady Russell à son mari condamné à mort.

-La Galerie nationale de Londres, qui a reçu depuis peu de temps des accroissements si considérables par les achats qu'elle a faits successivement en Angleterre, à la vente de la galerie de lord Northwick; en Allemagne, à celle de la collection Söder; en Italie, où elle s'est fait céder un tableau d'Ambrosio Borgnone, provenant de la chapelle de Bebecchino, près de la Chartreuse de Pavie; en Espagne enfin, où, s'il faut en croire ce qu'on assure, une peinture de Velasquez n'a pas été payée par elle moins de 400,000 fr., vient encore de s'enrichir, dans notre pays même, en acquérant en bloc la magnifique collection de M. Beauconfin, un musée de tableaux italiens, du meilleur choix et du plus grand prix. Les hommes qui ont ouvert aux intelligences de tous les pays la splendide hospitalité du Britishe-Museum, veulent aussi avoir à Londres la plus belle galerie de l'Europe. C'est cependant une nation dont la dette s'élève à vingt-cinq milliards qui donne l'exemple de cette magnificence inouïe, et qui, plongée jusqu'au cou dans les affaires, trouve le temps, l'argent et le zèle nécessaires pour se composer un Louvre britannique qui, avant peu d'années, si l'on n'y prend garde, aura éclipsé notre Louvre français.

PARIS.

Le rédacteur en chef: CHARLES BLANC.

Le directeur gérant: EDOUARD HOUSSAYE.

IMPRIMERIE DE J. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT, 7.

EXPOSITIONS DE PROVINCE

EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS

DE LYON

I

Les expositions de province, longtemps humbles et cachées, aspirent désormais à une publicité qui leur est bien due. Même après les Salons, dont Paris a le privilége, elles peuvent offrir à tout ami des arts un intérêt sérieux. On retrouve là les noms les plus aimés du public parisien, et tout à côté se rencontrent des noms nouveaux, ignorés, méconnus même, de leurs compatriotes. Les uns, artistes émérites, représentants d'un art qui n'est plus; les autres, toute une jeune et ardente génération, avide de briser sa co

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quille et de se modeler sur l'exemple des maîtres de l'art moderne. Et quant aux maîtres, ces habitués des salons de Paris, il est piquant de les surprendre au milieu de ces salons de province, où, comme des orateurs descendus de la tribune, ils n'ont pas toujours la parole. Un petit nombre seulement conserve son prestige. Leur personnalité alors se dessine plus nette et plus franche. On comprend mieux la valeur de chacun en mesurant la part d'influence qu'il a pu exercer de loin, sans le savoir.

La Société des amis des Arts de Lyon, fondée en 1836, a ouvert cette année sa vingt-quatrième exposition. Ce n'est pas ici le lieu ni le moment de faire l'histoire de cette société, une des plus anciennes de France. Il suffira d'indiquer en quelques mots les services qu'elle a rendus à l'école lyonnaise. Le plus grand est d'avoir liquidé la succession de Boissieu, aggravée de l'héritage des Révoil. Longtemps l'école lyonnaise a joui d'une assez triste réputation. Vouée par nécessité à la peinture de fleurs, on l'accusait d'apporter dans les autres branches de l'art le même amour du détail, la même minutie de dessin, la même exécution précieuse et bornée, qui semble l'apanage du peintre de fleurs. En appelant à ses expositions les artistes du dehors, la Société des amis des Arts de Lyon a émancipé ceux de son pays. Par ses encouragements, par ses acquisitions, par la faveur dont elle entourait les chercheurs de voies nouvelles, elle est arrivée à dégager l'école de ses errements malsains, elle a préparé la transformation du goût public, devenu déjà plus libéral.

La plupart des sociétés des amis des Arts croient avoir assez fait, quand elles ont chaque année organisé une exposition et dépensé en achats de tableaux une somme plus ou moins considérable. La société de Lyon ne se croit pas quitte à si bon marché; elle a institué des concours de fleurs, de dessin, d'ornement et de gravure, et chaque année, après son exposition, elle décerne aux lauréats des prix et des médailles pour une somme de 5,000 francs. De plus, après avoir, à l'exemple des autres sociétés, essayé de tous les systèmes de primes, albums de vues locales, estampes gravées ad hoc, gravures obtenues au rabais de la maison Goupil, la Société des amis des Arts de Lyon s'est arrêtée à une combinaison, la plus heureuse, à coup sûr, qu'elle pût rencontrer. Elle fait exécuter chaque année un certain nombre de planches gravées d'après les plus beaux tableaux du Musée de Lyon. L'ouvrage, arrivé à sa quatrième année, comprend déjà une vingtaine de planches. Ainsi se répand parmi les souscripteurs, avec le goût de l'art, la connaissance des richesses du Musée de la ville, richesses souvent ignorées de ceux qui sont le mieux placés pour les protéger ou les accroître.

Ces dépenses extraordinaires, en dehors des expositions, expliquent pourquoi les achats annuels de la Société des amis des Arts de Lyon ne dépassent pas le chiffre de 25,000 francs. D'autres villes dépensent davantage, et font beaucoup moins pour l'encouragement des beaux-arts et la propagation du goût.

On s'explique par les mêmes motifs pourquoi la Société de Lyon n'a pas encore un local à elle. C'est dans les salles du Musée que se tiennent ses expositions. De là, nous dit-on, l'avantage de ne pas dérouter le pu

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